Un financement record pour 500 porteurs de projets
Le Forum Horizon Initiative et Créativité, organisé à Pointe-Noire, a débouché sur la mise à disposition de 63,8 milliards de francs CFA pour 500 porteurs de projets, un volume inédit de ressources mis en mouvement par le Fonds d’impulsion, de garantie et d’accompagnement.
Cet effort financier exceptionnel résonne avec la stratégie nationale pour l’emploi des jeunes portée par les plus hautes autorités, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso rappelant que la dynamique économique ne saurait s’installer durablement sans l’esprit d’initiative de la nouvelle génération.
La sélection a distingué dix projets modèles, chacun recevant dix millions de francs, tandis que les quatre cent quatre-vingt-dix autres bénéficieront d’un accompagnement progressif. Pour le ministre Pierre Mabiala, cette architecture garantit une répartition équitable des moyens et une visibilité rapide des premières réussites.
Perspective genre: quel impact pour les femmes?
Selon l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes, le renforcement de l’autonomie économique constitue un rempart essentiel face aux violences basées sur le genre. Or, près de 55 % des personnes inscrites au forum se sont déclarées entrepreneures ou aspirantes entrepreneures.
La coordinatrice générale du Fhic, Aline France Etokabeka, a insisté sur la nécessité d’accompagner spécifiquement les cheffes d’entreprise, rappelant que « le Congo de demain comptera sur des femmes courageuses, capables de faire reculer la précarité », une perspective saluée par plusieurs organisations féminines.
Dans les régions côtières, les enquêtes de l’Observatoire montrent que l’accès à un capital de démarrage inférieur à cinq millions suffit à multiplier par trois la probabilité de sortie de pauvreté d’un ménage féminin en moins de deux ans.
Sélection des projets et critères d’accompagnement
Le comité d’examen du Figa s’est appuyé sur une grille combinant viabilité, potentiel d’exportation et contribution sociale. Les porteurs ont dû justifier d’un modèle inclusif, intégrant soit la parité, soit des mécanismes favorisant l’employabilité des femmes ou des personnes vulnérables.
Une fois l’enveloppe obtenue, chaque bénéficiaire signe un contrat de performance fixant des indicateurs trimestriels. Des cabinets locaux assurent le suivi et, en cas de défaillance, le fonds mobilise une garantie partielle pour éviter l’effet domino sur l’ensemble du portefeuille.
Le taux d’intérêt appliqué reste inférieur de deux points à la moyenne du marché congolais, un avantage qui, selon les analystes bancaires, compense l’absence d’hypothèque souvent rédhibitoire pour les promotrices ne disposant pas de titres fonciers.
Voix d’expertes et témoignages
Claudine Louzi, économiste à l’Université Marien-Ngouabi, observe que la mesure participe d’« une politique contracyclique bienvenue » dans un contexte international marqué par la flambée des coûts logistiques. Elle souligne toutefois la nécessité de consolider l’offre de formation technique.
Parmi les lauréates, Grâce Mboungou, productrice de cosmétiques à base de beurres locaux, confie que le financement « ouvre la possibilité de certifier l’atelier et d’employer dix femmes du quartier de Siafoumou ». Son objectif est de tripler la capacité d’ici à dix-huit mois.
De son côté, Loïc Nzassi, consultant en micro-finance, rappelle que « la réussite dépendra de l’accès à des marchés solvables ». Il préconise la création d’un label made in Congo-Brazzaville permettant aux produits féminins de franchir les frontières régionales plus aisément.
Un levier d’autonomisation contre les violences
Les études de la Banque mondiale indiquent qu’une hausse de 10 % du revenu féminin réduit de 6 % le risque de violence domestique. En favorisant l’accès au crédit, le programme s’inscrit donc indirectement dans une politique de prévention, complémentaire aux dispositifs juridiques existants.
À Pointe-Noire, plusieurs centres d’écoute partenaires de l’Observatoire envisagent d’orienter les survivantes vers les formations en gestion offertes dans le sillage du forum, convaincus que l’autonomisation économique contribue à briser le cycle de dépendance vis-à-vis des auteurs.
La société civile plaide par ailleurs pour que les rapports d’évaluation comportent un indicateur genré. Mesurer le nombre d’emplois féminins créés, le volume de dividendes perçus par les promotrices ou encore le taux de récidive des violences dans les foyers permettra de tester l’impact global.
Enjeux de gouvernance et pérennité
Afin de sécuriser la continuité du mécanisme, le Figa a prévu un fonds de roulement adossé aux remboursements. Ce modèle circulaire, expérimenté dans le secteur agricole, pourrait devenir une solution domestique de financement durable, évitant une dépendance excessive à l’aide extérieure.
Plusieurs observateurs soulignent toutefois que la capitalisation devra être régulièrement revue afin de suivre la démographie croissante de la jeunesse congolaise. L’enjeu sera d’amplifier l’effet multiplicateur sans mettre en péril l’équilibre macroéconomique, un exercice d’équilibriste pour les autorités financières.
La digitalisation des procédures, annoncée pour le prochain exercice, devrait raccourcir les délais de décaissement et réduire les frais administratifs. Une application mobile permettra aux porteuses de projets de suivre en temps réel leur plan de trésorerie et de dialoguer avec les mentors.
Il reste à garantir l’accès à Internet dans les zones rurales, condition sine qua non pour une inclusion totale. Les opérateurs télécoms ont été invités à proposer des forfaits solidaires dédiés aux nouvelles créatrices d’entreprise.