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Couleurs du Lion d’or au SMIB 2025

Au lever du soleil du 14 août 2025, l’avenue de la Corniche vibre : 5 971 coureurs, professionnels ou amateurs, prennent le départ de la 20ᵉ édition du Semi-marathon international de Brazzaville. Parmi eux, soixante-quinze athlètes portent fièrement le maillot rouge et or de l’Association multisports Lion d’or.

Encadrée par le Comité national olympique et sportif congolais, l’épreuve, soutenue par la Société nationale des pétroles du Congo, constitue plus qu’une compétition : elle est observée comme un baromètre social, révélant les avancées, mais aussi les points d’attention, en matière de participation féminine à la vie publique.

Une dynamique inclusive pour les femmes athlètes

Sur la ligne de départ, vingt-sept coureuses de Lion d’or se serrent les coudes. Leur présence marque une progression continue : en 2022, le club n’en comptait que quinze. « Nous voulons prouver que l’endurance n’a pas de genre », confie la sprinteuse reconvertie Méline Matoko, 24 ans.

En franchissant respectivement les 14ᵉ et 17ᵉ places, deux athlètes masculins offrent au collectif sa meilleure performance depuis dix ans. Pourtant, dans les rangs des supporteurs, les exploits les plus commentés sont ceux des premières femmes du club, classées parmi les cinquante premières sur un peloton très relevé.

Regards d’experts sur l’impact sociétal

Pour Cécile Ngoma, sociologue du sport à l’Université Marien-Ngouabi, la pluralité des corps sur le bitume brazzavillois « questionne utilement les stéréotypes de genre encore puissants dans nos quartiers ». Selon elle, chaque dossard féminin ouvre un espace symbolique supplémentaire à l’autonomie citoyenne des Congolaises.

Un tel élan repose aussi sur un tissu de solidarités. Le Port de Pointe-Noire, la Direction des ports de Brazzaville, les Assurances générales du Congo et l’Hôtel Saphir ont financé chaussures, maillots et suivi nutritionnel. Ces contributions évitent que les athlètes assument des coûts prohibitifs.

Santé, assurance et données sportives

Ces conventions imposent néanmoins un suivi précis. Chaque partenaire exige un bilan médical avant et après la course, sous contrôle du Service fédéral de médecine sportive. Les données, anonymisées, nourrissent les recherches nationales sur la santé des femmes pratiquantes, encore sous-documentée par rapport à celle des hommes.

Cette exigence de performance et de prévention est saluée par Odile Taba, médecin du sport : « La couverture assurance pour toutes, coureurs venues de RDC comprises, constitue un jalon essentiel. Elle démontre qu’un modèle partenarial peut protéger les femmes sans ralentir l’ambition des clubs ».

Vibrations populaires et leadership

Dans les tribunes, les familles observent aussi un changement de regard. Les encouragements d’enseignantes, de commerçantes ou d’étudiantes résonnent plus fort que les habituels tambours des associations de quartier. À plusieurs reprises, le speaker cite les prénoms des coureuses, amplifiant leur visibilité dans l’espace public dominial.

Pour José Cyr Ebina, président de Lion d’or, l’objectif n’est pas sportif : « Nous voulons former des ambassadrices de la résilience, capables de montrer que la rigueur acquise à l’entraînement peut se transposer dans l’entrepreneuriat ou la gouvernance locale ». Le message trouve écho auprès des sponsors.

Diplomatie du sport sur le fleuve Congo

La dimension transfrontalière de l’effectif nourrit aussi la pédagogie interculturelle. Des coureuses de Kinshasa partagent leurs tactiques de récupération, tandis que les Brazzavilloises exposent leurs méthodes de renforcement musculaire. Ces échanges informent une diplomatie féminine, discrète mais tangible, entre les deux rives du fleuve Congo.

Du point de vue académique, le Smib 2025 confirme la pertinence des politiques encourageant le sport chez les jeunes filles. Depuis l’inauguration du programme « Athlète à l’école » en 2021, le ministère de la Jeunesse et des Sports rapporte une hausse de 18 % des licences féminines.

Laboratoire d’égalité et perspectives 2026

Pourtant, le rapport 2024 de l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes souligne que seule une Congolaise sur dix pratique une activité physique régulière. Les obstacles : charge domestique, moqueries, peur des blessures. Les initiatives du Lion d’or offrent donc un laboratoire grandeur nature pour lever ces freins.

Des ateliers prévus au troisième trimestre réuniront coaches, psychologues et mères de famille pour co-concevoir des horaires d’entraînement compatibles avec la scolarité et les responsabilités ménagères. La méthodologie participative devrait inspirer d’autres associations, sollicitées par les comités départementaux d’athlétisme de Pointe-Noire et d’Oyo.

À l’horizon 2026, le club annonce vouloir aligner cent coureuses, soit une parrainée sur deux. L’idée séduit la S.n.p.c., qui envisage d’étendre son programme de mentorat professionnel aux participantes. Autrement dit, la course pourrait devenir un sas vers l’emploi pour de nombreuses jeunes compétitrices.

Narration médiatique et potentiel transformateur

Les observateurs notent que la visibilité médiatique reste encore concentrée sur le podium masculin. L’enjeu immédiat consiste donc à proposer une narration plus inclusive auprès des chaînes de télévision et des radios locales, afin que le récit sportif national reflète pleinement la diversité des protagonistes du bitume.

Au-delà du chronomètre, la présence massive des Lions d’or au Smib 2025 illustre un potentiel transformateur : celui d’un sport facteur d’égalité, de santé et de cohésion. Plus les coureuses trouveront leur place, plus s’élargira la perspective d’une société congolaise résolument tournée vers l’équité.