Un symbole fort de leadership féminin à Brazzaville
Sur l’esplanade de la mairie de l’arrondissement 5, le 14 juillet, le balancement des pagnes côtoyait l’austérité des costumes officiels. Dans cette mise en scène républicaine, l’arrivée de Grâce Steph Antonétie Ivosso n’avait rien d’anodin : pour la première fois, une femme accède au fauteuil de maire de Ouenzé. L’ancienne attachée économique au ministère de l’Intérieur, puis secrétaire générale de la mairie de Mfilou-Ngamaba, devient ainsi la figure d’une respiration institutionnelle où le genre cesse d’être un paramètre minorant. L’enthousiasme du public, ponctué d’ovations, confirmait qu’au-delà du protocole se jouait une étape dans la reconnaissance sociale du leadership féminin congolais.
Les ressorts sociologiques d’une légitimité partagée
Dans un arrondissement densément peuplé, marqué par une mosaïque de provenances et de statuts, la nouvelle édile a rapidement insisté sur la nécessité de « servir Ouenzé comme une grande famille ». Son propos souligne l’importance, pour une femme dirigeante, d’inscrire son autorité dans le registre du lien communautaire plutôt que dans celui de la verticalité administrative. Selon la sociologue Mariette Ngoma, « la symbolique familiale réduit la distance hiérarchique et permet aux femmes d’être perçues comme des médiatrices naturelles ». L’accueil transpartisan des chefs de blocs comme des responsables associatifs accrédite l’idée d’une légitimité qui se construit par la proximité quotidienne et non par les appartenances partisanes.
Une gouvernance participative encouragée par l’État
La présence du ministre de l’Assainissement urbain, du développement local et de l’entretien routier, Juste Désiré Mondélé, a rappelé l’alignement de cette nomination sur les orientations nationales en matière d’inclusion. Depuis l’adoption du Plan national genre 2022-2026, Brazzaville entend porter à 30 % la représentation féminine dans les postes électifs locaux. Dans cette perspective, l’investiture de Mme Ivosso agit comme un prototype : la mairie de Ouenzé devient laboratoire d’une gouvernance dite « sans coloration politique, ethnique ou tribale », selon les mots du ministre. Cette posture, loin d’être purement rhétorique, répond aux attentes d’organisations comme ONU Femmes qui plaident pour une administration de proximité ouverte aux compétences féminines.
Cap sur les défis urbains et sociaux de Ouenzé
Sur un territoire urbain marqué par la pression démographique, la nouvelle équipe doit composer avec 136 agents, dont 80 issus des services déconcentrés intervenant dans la jeunesse, l’hygiène ou l’urbanisme. Les priorités, déjà listées par le conseil municipal, incluent la collecte des déchets, la sécurisation des voies secondaires et la régulation du petit commerce. Dans la cour de l’école Ngamakosso, une vendeuse de légumes confiait son espoir de « voir les rigoles curées avant la saison des pluies ». Cet appel au pragmatisme rejoint la volonté affichée par la mairesse d’ancrer son action dans le “travail rigoureux” salué par le député Daniel Iloye Gouya. Les attentes citoyennes, fortes, s’accompagnent donc d’un capital confiance qu’il s’agit de consolider par des résultats mesurables.
L’impulsion d’une nouvelle génération de femmes élues
Ouenzé n’est pas un cas isolé : à Makélékélé et à Talangaï, des conseillères municipales émergent, dessinant une cartographie politique où les femmes se projettent désormais au-delà des portefeuilles dits sociaux. Pour la politiste Sylvie Mampouya, « l’effet de rôle » produit par la mairesse pourrait nourrir une dynamique de candidature féminine dès les prochains scrutins locaux. Dans les rangs de la jeunesse, les associations de filles scolarisées voient dans cette promotion un réservoir de récits inspirants, susceptibles de renverser les normes orientant les filles vers les seuls métiers de soin. En articulant exemplarité, responsabilité et résultats concrets, Mme Ivosso porte donc une charge symbolique qui dépasse largement les frontières administratives de l’arrondissement.
Une trajectoire qui réconcilie représentativité et performance
La trajectoire de la première mairesse de Ouenzé s’inscrit dans une dialectique où la question de la représentativité féminine n’est plus opposée au critère de compétence. Le récit de sa carrière, jalonné de fonctions techniques, vient contredire l’argument parfois brandi du manque d’expérience. De l’avis des cadres municipaux, son passage par la gestion des dossiers économiques lui confère un savoir-faire budgétaire essentiel pour optimiser un budget local souvent contraint. En définitive, la page qui s’ouvre combine haute valeur symbolique et exigences de performance administrative, confirmant que la parité se construit au croisement du mérite et de la confiance collective.