Forum stratégique sur la filière ciment
Lundi 18 août, Brazzaville a accueilli un forum inédit consacré à la gouvernance de la filière ciment. Sous l’égide du ministre de l’Industrie, Antoine Thomas Nicéphore Fylla Saint Eudes, l’évènement réunit experts, investisseurs et représentants institutionnels pour réfléchir au futur d’un secteur jugé stratégique.
Étendue sur deux jours, la rencontre vise d’abord à dresser un état des lieux précis des capacités de production, des coûts logistiques et des normes environnementales, avant de proposer une stratégie apte à rendre le ciment congolais plus compétitif sur les marchés régionaux et internationaux.
Une filière clé pour la diversification économique
Le ministère rappelle que l’industrie cimentière fournit les intrants essentiels aux chantiers de BTP, moteur durable de la croissance nationale. Consolider cette filière contribuerait donc à réduire la dépendance aux importations, stimuler l’emploi local et renforcer la résilience des infrastructures.
Selon les données disponibles, le Congo dispose déjà de trois cimenteries majeures, totalisant une capacité supérieure à deux millions de tonnes par an. Néanmoins, des problèmes de chaîne d’approvisionnement, d’énergie et de gouvernance freinent encore la pleine utilisation de ces installations industrielles.
Défis de gouvernance et perspectives
Pour le ministre Fylla Saint Eudes, l’ambition est claire : « faire de la filière un pôle compétitif et résilient, véritable hub cimentier de la sous-région ». Cette déclaration, saluée par les participants, s’inscrit dans la lignée des orientations gouvernementales relatives à la diversification de l’économie.
Les experts mobilisés explorent plusieurs leviers : modernisation des équipements, dynamisation du transport fluvial, incitations fiscales ciblées et amélioration des compétences locales. Chacun de ces leviers devrait s’accompagner d’indicateurs mesurables afin d’évaluer année après année les progrès accomplis.
La gouvernance demeure toutefois le nœud central. Certains participants évoquent la nécessité de clarifier les procédures d’octroi de licences, de renforcer la transparence dans la fixation des prix et de créer un cadre de concertation permanent entre entreprises, administration et société civile.
Variables logistiques et compétitivité
Les représentants des sociétés cimentières ont présenté des tableaux comparatifs soulignant le différentiel de coût entre la production locale et les importations depuis les ports voisins du Golfe de Guinée. La maîtrise des tarifs portuaires et la fluidité douanière constituent, selon eux, des variables décisives.
Dans les ateliers thématiques, des universitaires congolais ont rappelé l’importance d’intégrer les normes climatiques internationales. Le ciment génère environ 7 % des émissions mondiales de CO₂ ; réduire l’empreinte carbone deviendra donc un atout marketing et financier pour conquérir les grands marchés africains.
Impacts socio-économiques et genre
Point notable, les femmes ingénieures et techniciennes, de plus en plus présentes dans l’industrie, ont insisté sur la dimension inclusive des réformes. « Nous voulons des politiques qui garantissent notre montée en compétence et notre sécurité au travail », a déclaré Denise Ngouala, ingénieure qualité.
Cette prise de parole résonne avec les recommandations de l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes, qui plaide pour des environnements professionnels exempts de harcèlement et offrant des perspectives salariales équitables. Un secteur modernisé se doit d’être également exemplaire sur le plan social.
Le ministère a, de son côté, annoncé le lancement prochain d’un programme de bourses techniques visant à former cent jeunes, dont au moins quarante pour cent de femmes, aux métiers de la maintenance industrielle et de la chimie minérale nécessaires au fonctionnement des cimenteries.
Financements et innovations technologiques
Sur le plan financier, plusieurs institutions régionales, telles la Banque de développement des États d’Afrique centrale, ont exprimé leur intérêt pour cofinancer la modernisation des fours et la mise en place de laboratoires de contrôle qualité, à condition que les projets respectent des normes ESG strictes.
Un premier projet pilote, porté par un consortium sino-congolais, prévoit l’installation d’un broyeur à haute efficacité sur le site de Mindouli. Selon ses promoteurs, la technologie réduira de 20 % la consommation électrique tout en augmentant la finesse du produit fini.
Effet d’entraînement sur le développement
Au-delà des aspects purement industriels, les économistes soulignent que la redynamisation du ciment aura un effet d’entraînement sur le logement social, l’emploi des jeunes et la compétitivité des projets d’infrastructures régionales, dont la Zone économique spéciale de Maloukou.
Les conclusions provisoires du forum devraient être transmises au gouvernement avant la fin du mois. Elles serviront de base à un plan d’action quinquennal, articulé autour de mesures réglementaires, d’investissements ciblés et d’engagements clairs en matière de responsabilité sociétale.
Si ces recommandations sont appliquées, le Congo pourrait se positionner comme fournisseur de référence en Afrique centrale, tout en créant des emplois qualifiés, y compris pour les femmes, et en contribuant à une croissance inclusive, alignée sur les Objectifs de développement durable.
Les participants ont convenu de se réunir à nouveau dans six mois pour évaluer les avancées, partager les meilleures pratiques et ajuster, si besoin, les orientations. Cette dynamique de suivi continu illustre la volonté collective de transformer des promesses en résultats tangibles, durables, pour l’économie et la population aujourd’hui.