Une mobilisation inter-services inédite
De janvier à juillet 2025, la gendarmerie nationale et les services des Eaux et Forêts ont mené quatre opérations éclair visant les filières clandestines de la faune. Neuf présumés trafiquants ont été mis hors d’état de nuire, confirmant une synergie institutionnelle rarement observée jusqu’ici.
Les interpellations se sont déroulées à Dolisie, Owando et Impfondo, trois localités clefs pour le transit des trophées. Les forces de l’ordre ont saisi peaux de panthère, écailles de pangolin géant et ivoires d’éléphant, matérialisant une application concrète de la loi n°37-2008 sur la faune.
Chaque saisie a été immédiatement suivie d’un transfert des pièces à conviction vers les scellés officiels, limitant les risques de substitution. Selon un commandant de brigade à Dolisie, « l’échange en temps réel d’informations opérationnelles a réduit le délai entre signalement et arrestation à moins de 48 heures ».
Le rôle stratégique du PALF
Actif depuis 2008, le Projet d’Appui à l’Application de la Loi sur la Faune sauvage offre un soutien technique essentiel. Pour cette campagne semestrielle, ses analystes ont cartographié les routes d’évacuation de l’ivoire en s’appuyant sur des données téléphoniques et des informations communautaires.
Le coordonnateur national, Aristide Mokoko, souligne que « la collecte d’indices numériques complète la connaissance de terrain, sans jamais la remplacer ». Le PALF a également organisé trois ateliers de formation, destinés à vingt-cinq officiers enquêteurs, sur la préservation de la chaîne de preuve.
Parallèlement, le projet signale systématiquement aux parquets toute tentative de corruption. Deux dossiers ont ainsi été transmis en juillet, l’un concernant une proposition d’argent à un garde-forestier, l’autre un intermédiaire promettant la restitution de défenses contre le paiement d’une rançon dissimulée.
Le financement du PALF reste majoritairement externe, mais la part budgétaire de l’État progresse. Cette appropriation nationale, saluée par les bailleurs, consolide la pérennité des actions et démontre une volonté politique durable.
Une justice plus ferme et rapide
Sur les neuf mis en cause, huit ont été placés en détention préventive, cinq déjà condamnés à des peines allant de un à trois ans de prison ferme. Les verdicts ont été rendus en audience publique, renforçant l’effet dissuasif auprès des réseaux criminels.
Le tribunal de grande instance d’Owando s’est notamment appuyé sur la jurisprudence existante pour rejeter les circonstances atténuantes évoquées par la défense. Le procureur a rappelé que la loi reconnaît aux éléphants et grands félins un statut d’espèces intégralement protégées, sans dérogation possible.
Selon Maître Sandrine Mambéké, avocate au barreau de Brazzaville, « l’accélération des procédures réduit la pression sur les témoins et évite la corruption d’agents locaux ». Elle estime que l’intégration prochaine du numérique dans l’enregistrement des procès-verbaux renforcera encore la traçabilité des dossiers.
Les peines pécuniaires se montrent tout aussi dissuasives. Les condamnés doivent s’acquitter d’amendes atteignant cinq millions de francs CFA, somme supérieure au revenu annuel moyen rural, ce qui réduit la possibilité de récidive et compense partiellement le préjudice environnemental.
Sensibilisation et effet dissuasif des médias
Au-delà des tribunaux, les médias nationaux se sont saisis de l’affaire. Radio Congo, Télé 50 et plusieurs journaux en ligne ont diffusé des reportages pédagogiques sur la valeur économique et culturelle des espèces menacées, incitant les communautés à signaler toute activité suspecte.
Une enquête du quotidien Les Dépêches de Brazzaville indique que 63 % des personnes interrogées connaissent désormais l’existence de peines d’emprisonnement pour trafic d’animaux intégralement protégés. Ce taux n’était que de 38 % en 2023, signe d’une montée perceptible de la conscience environnementale.
Le ministère de l’Économie forestière prépare pour septembre une campagne radiophonique en langues nationales, ciblant particulièrement les zones rurales où l’information circule encore lentement. Le directeur de la communication explique que « la lutte contre le trafic passe autant par la pédagogie que par la répression ».
Perspectives pour la conservation nationale
Le Congo demeure l’un des bastions de la mégafaune en Afrique centrale. Les ONG spécialisées estiment que la population d’éléphants de forêt pourrait se stabiliser si le rythme actuel des arrestations se maintient, complété par des programmes de développement alternatifs pour les communautés riveraines.
Le gouvernement, dans sa stratégie nationale de biodiversité révisée, prévoit d’augmenter de 10 % les budgets dédiés aux éco-gardes en 2026. Cette décision, saluée par l’Union africaine, vise à professionnaliser davantage les patrouilles et à faciliter l’intégration de nouvelles technologies de surveillance.
Pour Aristide Mokoko, l’enjeu réside aussi dans la création d’emplois verts. « Former des artisans locaux à la sculpture sur bois légal ou au tourisme communautaire réduit la tentation du braconnage », explique-t-il, appelant entreprises privées et bailleurs internationaux à soutenir ces filières émergentes.
À moyen terme, le ministère projette l’ouverture de corridors écologiques transfrontaliers avec le Gabon et la République centrafricaine. Ces passages sécurisés permettront aux animaux migrateurs d’éviter les zones de conflit et d’accroître leur diversité génétique sans compromettre la surveillance douanière.