Un voyage d’excellence Brazzaville-Sotchi
De leurs rubans étincelants aux applaudissements de Sotchi, Davina Nkenko Sita, 10 ans, et Celeste Malanda Mayinga, 12 ans, portent haut les couleurs du Congo. Invitées au camp international de l’Académie Grâce Céleste, elles découvrent le rythme exigeant de l’élite mondiale.
La session, organisée du 3 au 13 août, regroupe gymnastes russes et cubaines autour d’entraîneurs renommés. Pour les adolescentes congolaises, c’est la troisième immersion dans cette pépinière d’excellence, un laboratoire où se mêlent biomécanique, préparation mentale et travail artistique millimétré.
Méthodes d’entraînement de l’Académie Grâce Céleste
Elles ont quitté Brazzaville avec dans leurs valises un programme chorégraphique imaginé par le Centre national de gymnastique. À Sotchi, chaque matin commence par une séance d’assouplissement de trois heures, suivie d’ateliers techniques où l’usage des objets – ballon, corde, cerceau – est disséqué.
« Nous apprenons des détails invisibles à l’œil nu », confie Celeste, sourire timide mais regard décidé. Pour elle, comprendre l’angle exact d’un relevé ou le tempo précis d’un pivot signifie gagner de précieux centièmes lors des compétitions africaines et francophones de 2025.
Culture de la rigueur et approche artistique
Au-delà de la technique, les camps russes misent sur la culture de la rigueur. Les jeunes suivent des cours de nutrition sportive, apprennent à gérer le stress des juges et à maintenir une image corporelle saine, loin des stéréotypes parfois délétères associés à la performance.
Le dispositif inclut aussi des séances de danse classique dispensées par d’anciennes étoiles du Bolchoï, destinées à améliorer le port de tête et l’expression scénique. Pour Davina, ces moments demeurent « magiques », rappelant que la gymnastique rythmique reste un art avant d’être un sport.
Rencontres interculturelles, diplomatie du sport
Les après-midi s’ouvrent aux échanges interculturels. Les Congolaises interprètent des chants en lingala, tandis que les Russes initient leurs hôtes aux pas du khorovod. Ces dialogues spontanés renforcent la confiance en soi et gomment les frontières, selon la pédagogue russe Olga Sidorova, responsable des activités sociales.
Cette dimension humaniste cadre avec les objectifs de la Fondation Africa Centrum, partenaire du projet. Son président, Jocelin Patrick Mandzela, souligne que « la diplomatie sportive ouvre des couloirs de coopération plus efficaces que de longs discours ». Une assertion confirmée par les sourires filmés durant les ateliers.
Retour attendu et tournoi d’Alina Kabaeva
Au retour, Davina et Celeste présenteront un enchaînement inédit lors du tournoi de reconnaissance d’Alina Kabaeva, prévu les 27 et 28 septembre au gymnase Maxime-Matsima. L’événement servira de baromètre pour les sélectionneurs nationaux en vue des prochains Jeux africains.
Le Centre national de gymnastique ambitionne d’y attirer un public familial afin de « démocratiser la discipline », explique sa directrice, Mireille Okoumba. L’entrée gratuite devrait favoriser la venue de jeunes filles souvent freinées par le coût des manifestations sportives dans la capitale.
Coopération sportive Congo-Russie et politiques publiques
Depuis plusieurs décennies, Brazzaville et Moscou entretiennent des passerelles sportives. L’accord signé en 2019 entre le ministère congolais des Sports et l’Académie Grâce Céleste consolide cet héritage, en mettant l’accent sur la formation des entraîneurs locaux et le transfert d’équipements adaptés.
Cette coopération trouve un écho particulier dans la politique nationale de féminisation du sport, lancée par les autorités congolaises en 2022. Le programme entend porter à 40 % la proportion de femmes licenciées d’ici 2030, un objectif qui semble accessible au regard de l’enthousiasme actuel.
Inclusion des filles et enjeux sociétaux
Pour l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes, l’ascension de Davina et Celeste illustre concrètement l’autonomisation par le sport. Pratiquer une discipline olympique offre un réseau de solidarité, des modèles positifs et la possibilité d’éviter certains vulnérabilités, notamment les mariages précoces.
La sociologue Micheline Moutsinga rappelle que chaque année d’activité physique régulière augmente de 6 % les chances d’achèvement scolaire pour les filles en milieu urbain. « Ces chiffres démontrent la corrélation entre capital corporel et capital social », insiste-t-elle lors d’un entretien téléphonique.
Perspectives logistiques pour la gymnastique nationale
Reste le défi des infrastructures. Le gymnase Maxime-Matsima ne possède qu’un praticable homologué, limitant le volume d’entraînement. Le ministère étudie actuellement un projet de rénovation soutenu par un partenariat public-privé, incluant la fourniture de tapis absorbant les chocs et d’éclairages LED normés.
D’ici là, Davina et Celeste continueront de faire lever la tête des jeunes Congolaises vers un horizon où la grâce se conjugue à la détermination. Leur parcours rappelle que le sport, vecteur d’égalité, peut aussi être un lieu d’épanouissement culturel et de fierté nationale.
Implication des familles et de la diaspora
Soutenir ces voyages représente un investissement émotionnel et financier pour les parents. La mère de Davina, institutrice, économise depuis deux ans pour l’achat des justaucorps réglementaires. « Voir ma fille évoluer sur un podium international justifie chaque sacrifice », confie-t-elle, la voix vibrante.
La diaspora congolaise de Russie se mobilise également. Lors du dernier camp, elle a organisé une collecte permettant de financer les billets d’avion, tandis qu’un groupe d’étudiants assurait la traduction. Cette solidarité transnationale tisse des liens durables entre communautés et renforce le sentiment d’appartenance.