Le verdict d’une phase de groupes impitoyable
Au soir du 19 août, la pelouse du stade de Korhogo n’a offert aucun miracle aux Diables rouges. Battus deux buts à zéro par le Nigeria, les Congolais bouclent la phase de groupes avec deux points, loin des cinq unités du Sénégal et du Soudan, qualifiés.
Le scénario rappelle douloureusement l’édition 2022 : déjà éliminée au premier tour, la sélection locale enregistre une nouvelle contre-performance. Pourtant, les calculs étaient simples : marquer, puis tenir. Hélas, la percussion d’Anas Yusuf à la 56ᵉ minute puis la frappe lointaine d’Alimi dans le temps additionnel ont cloué tout espoir.
Un déficit de préparation largement admis
Le sélectionneur Emmanuel Mavouele reconnaît que ses joueurs n’ont disputé aucun match amical international depuis juin. « On joue la compétition officielle comme séance de réglage, cela se paie cash », confie-t-il. À l’heure où les adversaires enchaînent les tournées, le Congo est resté cantonné aux oppositions internes.
Les données physiques publiées par la Confédération africaine de football confirment le manque de rythme : distance moyenne parcourue par match, 9,1 km par joueur, contre 10,4 km pour le Sénégal. Le dernier quart d’heure, souvent fatal, traduit cette usure précoce.
Tactique : entre intentions louables et réalités du terrain
Le dispositif en 4-2-3-1 visait à densifier le milieu tout en permettant un pressing haut. Face au Nigeria, la première période a montré quelques séquences prometteuses, notamment deux enchaînements initiés par Makoumbou sur le côté gauche. Mais l’animation offensive s’est éteinte dès que la fatigue a gagné les excentrés.
Le manque de variété dans les sorties de balle a également fragilisé le bloc. Dans une étude pour l’Institut africain du sport, l’analyste Jules Ndzoua relève que 71 % des relances congolaises partent de longs ballons, facilement neutralisés par des défenseurs robustes comme Mohammadu.
Le facteur mental, fil rouge du tournoi
L’égalisation concédée à la 85ᵉ minute contre le Sénégal a laissé des traces. « On a senti un groupe crispé, déterminé mais envahi par la crainte de revivre le scénario de 2022 », observe la psychologue sportive Clarisse Kitoko. Cette anxiété latente a nui à la prise de décision dans les zones de vérité.
S’y ajoute la controverse sur les primes de participation, réglée tardivement. Même si la Fédération affirme que l’incident est clos, les négociations houleuses de la veille du match face au Soudan ont perturbé la bulle de concentration. Dans un tournoi condensé, chaque distraction pèse lourd.
Entre regrets et signaux d’espoir
Les Diables rouges n’ont jamais été submergés. L’axe Kiamou-Ndinga a souvent contenu les assauts, limitant le Congo à seulement trois buts encaissés, soit la meilleure défense des équipes éliminées. Cette solidité laisse entrevoir un socle défensif intéressant pour les prochaines échéances.
Le staff technique cite également l’émergence de jeunes profils. À 21 ans, l’ailier Fiston Makouta a réussi 14 dribbles sur le tournoi, troisième total global. Sa progression symbolise le potentiel que la Direction technique nationale souhaite cultiver, notamment via le nouveau centre de formation de Kintélé inauguré en avril.
Quelles perspectives d’ici 2025 ?
La stratégie fédérale mise sur la continuité : conserver le noyau actuel tout en planifiant une série de huit matches amicaux avant la prochaine Coupe de la CEMAC. « Nous devons passer d’une logique d’urgence à une culture de préparation permanente », insiste le directeur sportif Bernard Milongo.
Les clubs sont également sollicités : la Ligue 1 locale reprendra deux mois plus tôt pour offrir un volume compétitif accru. En parallèle, un programme de suivi psychologique sera déployé, initiative saluée par plusieurs capitaines. L’objectif officiel demeure clair : atteindre au minimum les demi-finales du CHAN 2026.
Un échec à convertir en levier de progrès
La défaite peut être une ressource, rappelle l’économiste du sport Auguste Mbemba : « Les nations qui progressent transforment l’échec en laboratoire. » Les autorités sportives affirment d’ailleurs vouloir publier un rapport d’évaluation publique, démarche rarement pratiquée sur le continent et susceptible de nourrir un débat constructif.
Au-delà du rectangle vert, l’épisode interroge la place accordée au sport dans le projet national de cohésion. Les stades rassemblent, transcendent les clivages sociaux et inspirent la jeunesse, notamment les filles qui rejoignent de plus en plus les académies. Nourrir cet enthousiasme suppose un investissement continu et méthodique.