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Visite économique belgo-congolaise

Le mois d’octobre verra atterrir à Brazzaville puis à Pointe-Noire une délégation d’une dizaine d’entrepreneurs belges. Cette mission, annoncée par Alexandre Gianasso, chargé d’affaires de Belgique, s’inscrit dans la continuité de la visite du vice-Premier ministre Maxime Prévot auprès du président Denis Sassou Nguesso.

Au-delà de la diplomatie, cette venue ouvre un chapitre économique où l’inclusion des femmes congolaises apparaît déterminante. Notre Observatoire analyse les opportunités que cette coopération pourrait générer en matière d’emploi, d’entrepreneuriat et de montée en compétences, sans perdre de vue les garde-fous nécessaires à l’égalité professionnelle.

Un marché en mutation inclusive

Le Congo demeure un marché émergent dont la croissance repose encore majoritairement sur les hydrocarbures. Pourtant, la récente stratégie nationale d’autonomisation économique des femmes invite à diversifier les moteurs de valeur. L’arrivée de capitaux belges peut renforcer cette dynamique, à condition d’inscrire l’égalité de genre au cœur des contrats.

Selon le ministère de la Promotion de la femme, seules 17 % des entreprises formelles sont dirigées par des Congolaises, souvent cantonnées au commerce de détail. L’influx d’investissements internationaux peut modifier cette configuration si des clauses d’accès prioritaire à la sous-traitance féminine sont négociées avec les partenaires belges.

Les secteurs clés visés

La Belgique ciblant l’énergie, le transport, la logistique, la santé et le numérique, chaque secteur recèle un potentiel singulier pour l’emploi féminin. L’extension des réseaux électriques hors réseau, par exemple, nécessite des techniciennes de terrain formées à la maintenance solaire, métier encore rare mais promis à une forte demande locale.

Dans la santé, les cliniques belgo-congolaises en projet pourraient amplifier les besoins en infirmières spécialisées, sages-femmes et gestionnaires hospitalières. Quant au numérique, l’implantation de sociétés de services informatiques stimulerait la création de start-up dirigées par des jeunes diplômées, soutenues par les programmes d’incubation déjà lancés à Brazzaville.

Potentiel d’emploi féminin

L’Organisation internationale du Travail évalue à plus de 120 000 le déficit d’emplois qualifiés pour les femmes congolaises d’ici 2028. Une joint-venture belgo-congolaise comportant des objectifs chiffrés de recrutement féminin représenterait un levier immédiat pour combler ce gap, tout en répondant aux exigences de performance sociale des investisseurs étrangers.

Pour Laurence Boucka, économiste au Centre de recherches en sciences sociales de l’Université Marien Ngouabi, « chaque projet international doit réserver au moins 30 % des postes d’encadrement aux femmes afin d’induire un effet d’entraînement sur tout le tissu productif national ». Cette recommandation sera soumise aux négociations d’octobre.

Formation et transfert de compétences

La coopération envisagée doit dépasser le simple volume financier pour intégrer un ambitieux volet de formation. L’agence Enabel, bras opérationnel de la coopération belge, envisage déjà des bourses ciblées pour 200 étudiantes congolaises en ingénierie, logistique portuaire et cybersécurité, disciplines encore peu féminisées mais clés pour les futurs contrats.

Sur le terrain, des centres de formation professionnelle pourraient être aménagés dans les zones économiques spéciales de Pointe-Noire. Des formateurs belges y assureraient des modules pratiques, tandis que des instructrices congolaises garantiraient l’adaptation culturelle des programmes. Ce tandem limiterait le risque d’abandon et renforcerait la confiance des apprenantes.

Cadre réglementaire protecteur

Le Code du travail révisé en 2022 oblige désormais les sociétés installées au Congo à publier des rapports annuels sur l’égalité salariale. Cette disposition, saluée par la Fédération des entreprises du Congo, constitue un garde-fou que les partenaires belges devront respecter, sous contrôle de l’Inspection générale du travail.

Par ailleurs, la loi portant protection des droits de la femme de 2019 impose des mesures contre le harcèlement au travail. Notre Observatoire suggère d’intégrer dans les contrats de joint-venture une clause de tolérance zéro, assortie de formations obligatoires pour les managers afin de prévenir toute forme de violence sexiste.

Témoignages et attentes

« Nous attendons des investisseurs qu’ils considèrent les femmes comme des actrices économiques et non comme un vivier de main-d’œuvre à bas coût », déclare Marie-Josée Mankessi, fondatrice d’une PME de logistique fluviale à Oyo. Pour elle, l’appui belge doit se traduire par un accès facilité aux crédits bancaires.

De son côté, le diplomate Alexandre Gianasso souligne que « la meilleure vitrine d’un partenariat durable reste l’impact social mesurable, notamment sur l’emploi des jeunes femmes urbaines et rurales ». Cette convergence de vues pourrait accélérer la création d’un comité mixte chargé de suivre les indicateurs d’égalité professionnelle.

Perspectives partagées

Si la Belgique figure déjà parmi les premiers partenaires commerciaux du Congo, le potentiel de coopération inclusive demeure largement inexploité. L’octroi de licences dans la fibre optique ou la gestion portuaire pourrait servir de laboratoire à des politiques pionnières d’égalité, alignées sur les normes de responsabilité sociétale internationales.

À l’issue de la mission d’octobre, un rapport conjoint précisera les engagements chiffrés en matière de recrutement, de formation et de sous-traitance féminine. Notre Observatoire en suivra l’exécution, convaincu que la croissance économique gagne en durabilité lorsque les Congolaises occupent une place centrale dans la chaîne de valeur.