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Un souffle nouveau pour l’école congolaise

Dans les cours d’école de Brazzaville, le ballon tourne plus vite que les idées pédagogiques. Pourtant, une voix féminine se fait entendre : Mildred Moukenga, fondatrice du Club de vacances, appelle à refonder l’éducation par le sport et la créativité.

L’initiative s’inscrit dans un contexte où les autorités réaffirment leur engagement pour l’accès universel à une scolarité épanouissante, conformément aux orientations du Plan national de développement, sans toutefois détailler la place des activités motrices et artistiques dans les programmes.

Le Club de vacances, laboratoire d’innovations pédagogiques

Depuis cinq ans, le Club de vacances accueille chaque saison plus de huit cents enfants venus des quartiers nord et sud de la capitale. Ils y découvrent athlétisme, basketball, danse, musique, théâtre et ateliers d’écriture sous l’œil attentif d’entraîneurs diplômés.

Pour Mildred Moukenga, cette micro-société constitue un laboratoire grandeur nature. « Nous observons une hausse de la confiance en soi, surtout chez les adolescentes initialement réticentes à prendre la parole », explique-t-elle, chiffres internes à l’appui.

Sport, créativité et autonomisation des jeunes filles

Au Congo, les filles abandonnent l’activité sportive deux fois plus tôt que les garçons, selon l’Institut national de la statistique. L’introduction de cursus mixtes, valorisant autant l’esprit d’équipe que l’expression corporelle, est perçue comme un levier d’égalité.

Les parents témoignent d’un changement de posture. Yvonne, mère de trois enfants, confie que sa cadette « ose désormais postuler au conseil de classe » après avoir joué meneuse de jeu sur le parquet du club. La pratique sculpte autant le corps que l’ambition.

Vers une professionnalisation des talents nationaux

Outre la dimension sociale, la réforme recherchée ambitionne de transformer des passions en débouchés réels. Les compétitions interscolaires pourraient devenir des vitrines pour recruteurs, mécènes et fédérations, à l’image du modèle kényan en athlétisme ou nigérian en musique.

Le ministère des Sports estime que 60 % des athlètes sélectionnés pour les Jeux africains 2027 sont actuellement issus de structures informelles. Un encadrement scolaire renforcerait leur endurance physique, mais aussi leur capacité à gérer contrats et droits d’image.

Santé publique et cohésion sociale en ligne de mire

Les pédiatres rappellent que trente minutes d’activité quotidienne diminuent de 20 % le risque d’obésité infantile. Coupler cette exigence à la pratique artistique favorise également la santé mentale, soulignent les rapports de l’Organisation mondiale de la Santé.

Dans une société marquée par une urbanisation rapide, les espaces collectifs structurés réduisent les incivilités juvéniles. Sur le terrain du Club de vacances, les coachs notent une chute des bagarres, remplacées par des débats tactiques ou scénographiques.

Les pistes de réforme portées par la société civile

Concrètement, la militante propose d’introduire deux heures hebdomadaires dédiées au sport de spécialité et deux autres à la création artistique, financées par un fonds de dotation public-privé. Les infrastructures existantes, souvent sous-utilisées le soir, seraient mutualisées.

L’Association congolaise des parents d’élèves salue une vision « pragmatique et inclusive ». De son côté, la Fédération des entreprises se déclare prête à parrainer des tournois, soulignant les retombées en termes d’image et de responsabilité sociétale.

L’écho positif des institutions et des partenaires

Pour le sociologue Pierre Ngatsé, les initiatives citoyennes gagnent en efficacité lorsqu’elles dialoguent avec l’État. Il rappelle que le Sénégal a adopté en 2021 une loi encourageant la pratique artistique à l’école, citée désormais en exemple par l’UNESCO.

La comparaison internationale offre des repères. Au Rwanda, l’intégration du volley-ball féminin a fait bondir la scolarisation des adolescentes rurales de 15 %. Ces succès démontrent que le sport n’est pas un luxe mais un moteur d’inclusion.

Regards d’experts sur les enseignements comparés

Le ministère de l’Éducation suit avec attention ces propositions. Un groupe de travail mixte, annoncé lors des Assises de la jeunesse, compile actuellement retours d’expériences et études budgétaires pour élaborer un pilote dans huit établissements dès la prochaine rentrée.

L’agence des Nations unies pour les femmes soutient cette approche intégrée. « Les compétences créatives complètent les apprentissages STEM et favorisent l’insertion des filles dans les filières émergentes », rappelle sa représentante régionale lors d’un atelier à Oyo.

Un financement durable pour pérenniser l’ambition

Les économistes estiment qu’allouer un pourcent du budget éducatif aux sports et arts générerait un retour social évalué à trois fois l’investissement, grâce à la réduction des dépenses médicales et à la création d’emplois autour des événements.

Une étude pilote menée par l’Université Marien-Ngouabi montre que chaque tournoi inter-lycées attire en moyenne mille visiteurs, stimulant la petite restauration et le transport urbain. Les municipalités y voient une opportunité de dynamiser les économies locales.

Un objectif partagé : former des citoyens complets

Au-delà des indicateurs, les visages parlent d’eux-mêmes. Awa, quatorze ans, a découvert la percussion et rêve désormais d’intégrer l’Orchestre national. « Je veux montrer qu’une fille peut faire vibrer les tambours du Congo », affirme-t-elle, sourire conquérant.

Le plaidoyer porté par Mildred Moukenga rappelle enfin que l’école n’a de sens que si elle ouvre un horizon. Sport et arts, loin de distraire, structurent les imaginaires et forgent des citoyens complets, aptes à participer au développement harmonieux du pays dans une perspective durable et inclusive.