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Un virage stratégique pour l’économie nationale

La cérémonie organisée au ministère des Petites et Moyennes Entreprises a marqué, selon les observateurs, un pas majeur dans l’ambition de diversification économique voulue par le Congo. En présence du PNUD, Brazzaville a officiellement lancé l’élaboration des politiques nationales dédiées aux PMEA.

Derrière l’acronyme se cache un objectif clair : bâtir un environnement où la petite entreprise devient un levier de croissance, d’emploi et de cohésion sociale, tout en consolidant les bases financières du pays au-delà des hydrocarbures.

La ministre Jacqueline Lydia Mikolo a parlé d’« un pari audacieux » susceptible de propulser les PME congolaises jusqu’aux marchés de la Zone de libre-échange continentale africaine, rappelant l’urgence pour le secteur privé d’accroître sa compétitivité régionale.

La place capitale des femmes entrepreneures

Dans ce nouveau cadre stratégique, la question du genre occupe une position centrale. Les statistiques nationales montrent que près de 60 % des unités artisanales sont dirigées par des femmes, mais seulement une sur cinq accède aujourd’hui à un crédit formel.

L’engagement gouvernemental vise donc à réduire les barrières financières, juridiques et technologiques qui freinent l’essor des entrepreneures. « L’économie ne peut se priver de la créativité féminine », note la sociologue Clarisse Oba, évoquant un potentiel inexploité pour la valeur ajoutée locale.

Le futur document stratégique prévoit d’intégrer des dispositifs de garantie adaptés aux très petites structures dirigées par des femmes, ainsi qu’un quota de projets féminins dans les lignes de crédit cofinancées par les partenaires internationaux.

Pour la cheffe d’entreprise Gisèle Mavoungou, cet ancrage du genre représente « un signal décisif »: il légitime la prise de risque des banques et encourage la jeune génération à envisager l’entrepreneuriat comme voie d’émancipation économique.

Accès au financement : la clé de la transformation

La Banque postale du Congo et plusieurs institutions de microfinance travaillent déjà avec le ministère pour concevoir un guichet unique numérique simplifiant l’obtention de prêts inférieurs à dix millions de francs CFA, seuil qui concerne la majorité des entreprises féminines.

Cette plateforme doit également centraliser les procédures d’immatriculation, la délivrance d’attestations fiscales et l’inscription à la Caisse nationale de sécurité sociale, réduisant les coûts transactionnels souvent dénoncés par les associations de femmes commerçantes.

En parallèle, le PNUD soutient un fonds de garantie partielle, doté initialement de deux milliards de francs CFA, destiné à mutualiser le risque lié aux premières années d’activité, période où 45 % des PME congolaises ferment leurs portes.

Les économistes estiment que l’effet de levier pourrait tripler les montants disponibles pour les promotrices, tout en améliorant la bancabilité de projets orientés vers l’agro-transformation, la mode ou les services numériques, secteurs identifiés comme porteurs pour l’emploi féminin.

Innovation, qualité et marchés régionaux

Au-delà du capital, la politique cible l’innovation. Des laboratoires partagés, hébergés au futur Village de l’Artisanat, offriront tests de qualité, prototypage et formation continue, afin de répondre aux exigences de la Zone de libre-échange continentale.

L’accompagnement portera aussi sur la labellisation des produits « Made in Congo », une démarche jugée cruciale par la Chambre de commerce pour conquérir les supermarchés d’Afrique centrale et les plateformes de e-commerce africaines en pleine expansion.

Dans ce contexte, les créatrices de mode comme Nadège Bissila misent sur la digitalisation : « Un site marchand bien référencé peut doubler mon chiffre d’affaires sans ouvrir de boutique physique », explique-t-elle, attendant des politiques un accompagnement en marketing numérique.

Les experts du Centre de recherche en économie appliquée rappellent que chaque point de productivité supplémentaire dans les PME textiles se traduit par 0,3 % de croissance additionnelle du PIB, d’où l’intérêt de financer la montée en gamme technologique.

Vers un artisanat structuré et inclusif

Le chantier de structuration de l’artisanat prévoit la création d’un registre national, étape décisive pour passer de l’informel à la protection sociale. Les artisans bénéficieront d’une couverture maladie universelle et d’un accès simplifié aux marchés publics locaux.

Cette formalisation est déterminante pour les femmes exerçant dans la coiffure, la restauration ou la vannerie, secteurs où les revenus sont souvent volatils et l’exposition aux violences économiques élevée, selon l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes.

L’enjeu est double : sécuriser les parcours professionnels féminins et améliorer la collecte fiscale locale, créant ainsi un cercle vertueux de services publics renforcés, comme les garderies de proximité indispensables à la conciliation des temps de vie.

Un chantier participatif et fédérateur

Le processus d’élaboration demeurera participatif, promet le ministère. Des ateliers thématiques se succéderont dans chaque département, mobilisant chefferies traditionnelles, associations de femmes, syndicats patronaux et administrations, afin d’aboutir à un texte reflétant la diversité des réalités territoriales.

Attendu pour la fin de l’année, le document servira de boussole aux bailleurs et aux investisseurs privés. Il doit incarner la promesse d’un secteur privé inclusif, où l’entrepreneuriat féminin est un pilier de la prospérité partagée et durable.

Les premiers tests pilotes, annoncés à Pointe-Noire et Oyo, permettront d’ajuster les dispositifs avant généralisation, garantissant ainsi une mise en œuvre efficace et évaluée en continu.