Relations sino-congolaises : un partenariat stratégique
Lorsque l’avion présidentiel s’est posé à Pékin, le chef de l’État congolais a été accueilli par des étudiants brandissant drapeaux croisés. La scène, réminiscence de la visite historique de Xi Jinping à Brazzaville en 2013, illustre la force symbolique du lien sino-congolais.
Durant six décennies, Pékin et Brazzaville ont bâti une relation qualifiée de « sincère et fraternelle » par les diplomates des deux rives. Cette amitié, née lors de l’établissement des relations diplomatiques en 1964, s’est consolidée autour d’un soutien mutuel dans les instances internationales.
La reconnaissance congolaise d’une seule Chine, et le vote de Brazzaville pour le retour de Pékin aux Nations unies en 1971, demeurent des repères majeurs. À l’inverse, la Chine appuie la souveraineté congolaise et encourage son rôle de médiateur régional.
Impact économique : infrastructures et diversification
Au plan économique, la coopération a pris une ampleur nouvelle depuis l’entrée du Congo dans l’Initiative « la Ceinture et la Route » en 2018. Routes, centrales électriques, fibre optique et zones industrielles témoignent d’investissements destinés à faciliter la diversification d’une économie longtemps tributaire du pétrole.
La présidence congolaise du Forum sur la coopération sino-africaine, effective depuis septembre 2024, ouvre un cycle de négociations commerciales. La Déclaration conjointe sur un Accord de partenariat économique pour le développement partagé promet un accès accru au marché chinois pour le bois, le cacao et l’agro-industrie locale.
Au ministère des Petites et moyennes entreprises, on explique que « la demande chinoise crée des chaînes de valeur aptes à générer des emplois féminins dans la transformation agroalimentaire ». L’enjeu, rappelle une directrice de projet, est d’assurer des normes sociales respectueuses de l’égalité.
Un programme d’incubation technologique, financé par la coopération chinoise, accompagne depuis deux ans des start-ups congolaises dirigées par des étudiantes de l’Université Marien-Ngouabi, spécialisées dans les applications de microcrédit rural.
Santé et bien-être : un soutien médical durable
Présentes depuis 1967, les missions médicales chinoises ont soigné plus de onze millions de patients, selon le ministère de la Santé. À Oyo, le Centre hospitalier sino-congolais propose aujourd’hui des consultations prénatales gratuites, un service salué par l’association nationale des sages-femmes.
La pandémie de Covid-19 a consolidé cette coopération. Brazzaville a reçu un million de doses Sinopharm et un laboratoire PCR mobile pour la Lekoumou. Selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes, « cette rapidité vaccinale a préservé de nombreuses mères vulnérables ».
Autonomisation féminine : témoignages et défis
À Pointe-Noire, Mme Mabiala, cheffe d’équipe sur le chantier du nouveau port, a suivi une formation en soudure dispensée par l’entreprise chinoise. Son salaire, multiplié par trois, assure désormais la scolarité de ses deux filles.
Depuis 2020, une bourse conjointe finance chaque année trente thèses codirigées, dont la moitié par des doctorantes. Les sujets couvrent l’agronomie durable et les politiques publiques de lutte contre les violences basées sur le genre.
Pourtant, cette ouverture comporte des défis. Le Centre d’analyse macroéconomique note une dépendance croissante aux prêts concessionnels, lesquels mobilisent près de 30 % des recettes d’exportation. L’enjeu, souligne l’économiste Rosalie Okandzi, est de transformer ces fonds en capacités locales durables plutôt qu’en simple consommation.
Les organisations féministes insistent également sur les conditions de travail dans certains chantiers. Une enquête de l’Université catholique de Louvakou évoque des horaires prolongés et l’absence de crèches sur site. « L’inclusion passe par des infrastructures sociales », rappelle la sociologue Clarisse Tchicaya, favorable à des clauses sociales obligatoires.
Gouvernance, culture et avenir partagé
Du côté gouvernemental, un comité de suivi mixte a été institué en 2023 pour superviser l’application des conventions et la mise en œuvre des standards environnementaux et sociaux. Les comptes rendus mensuels sont rendus publics, une innovation saluée par Transparence Congo comme un pas vers la gouvernance ouverte.
La diplomatie publique nourrit enfin les échanges culturels. Le Festival du cinéma sino-congolais, organisé chaque automne à Brazzaville, accorde cette année une place spéciale aux réalisatrices. L’objectif est de valoriser des narrations féminines et de déconstruire les stéréotypes persistants sur les deux sociétés.
L’histoire commune des luttes anticoloniales et des victoires antifascistes occupe un volet mémoriel solide. La participation du Président Sassou Nguesso aux commémorations du quatre-vingtième anniversaire de la victoire chinoise rappelle, pour Pékin comme pour Brazzaville, la nécessité de défendre multilatéralisme, paix et justice internationale.
Les autorités congolaises envisagent désormais une phase deux de la coopération, axée sur l’industrialisation verte et la formation technique de masse. Pékin propose d’installer un centre de compétence sur les énergies renouvelables à Kintélé. Le projet viserait expressément la formation de mille techniciennes sur cinq ans.
Dans un contexte mondial marqué par l’incertitude, la trajectoire sino-congolaise continue de se construire sur la base du respect mutuel et du bénéfice partagé. Pour les femmes congolaises, la clef résidera dans le renforcement des garanties sociales afin que la coopération devienne aussi un levier d’émancipation durable.