Silicon Makélékélé: l’audace féminine congolaise

Un partenariat stratégique à haute valeur symbolique

La signature, à Brazzaville, de l’accord instituant le Programme Congo Créatif 2030 revêt une dimension plus que protocolaire. En scellant leur coopération, le ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation technologique et le Programme des Nations unies pour le développement projettent le Congo dans une trajectoire où la créativité n’est plus perçue comme un supplément d’âme, mais comme un actif macro-économique. « La force des idées peut désormais transformer l’économie nationale et s’imposer au monde », a déclaré la représentante résidente du Pnud, Adama-Dian Barry, rappelant la dynamique engagée depuis 2019 avec le réseau mondial AccLab présent dans 90 pays.

À l’échelle nationale, la coopération a déjà permis de cartographier plus de deux cent cinquante solutions locales, signalant l’émergence d’un écosystème d’innovateurs souvent invisibles. Le Congo fait ainsi le pari de capitaliser sur ces ressources créatives pour accélérer la diversification d’un tissu productif longtemps dépendant des hydrocarbures.

La promesse d’une croissance inclusive

En mobilisant la science et la technologie comme moteurs de résilience, le programme épouse la vision d’une croissance inclusive, compatible avec l’Agenda 2063 de l’Union africaine et les Objectifs de développement durable. Le ministre Rigobert Maboundou souligne « l’urgence de structurer, financer et institutionnaliser l’innovation comme politique publique centrale ». Cette posture s’inscrit dans la continuité de la Politique nationale de la recherche scientifique et de l’innovation, adoptée fin 2022, qui consacre l’innovation comme vecteur de compétitivité plutôt que variable d’ajustement.

Le soutien affiché par les partenaires techniques et financiers valide la stratégie gouvernementale d’alignement entre réformes structurelles et besoins des territoires. En ciblant particulièrement les micros, petites et moyennes entreprises, souvent dirigées par des femmes, le dispositif entend convertir l’ingéniosité individuelle en retombées macro-économiques mesurables.

Femmes et innovation : un potentiel à libérer

Le positionnement de l’Observatoire congolais des violences faites aux femmes invite à examiner la dimension de genre de ce projet. Les statistiques nationales situent la participation féminine dans les filières STEM à moins de 25 %, alors même que les enquêtes sur l’entrepreneuriat révèlent un taux de création d’activités plus élevé chez les femmes que chez les hommes dans l’économie informelle. La complémentarité entre ces deux réalités constitue une opportunité stratégique.

En proposant des incubateurs sectoriels, des crédits à taux réduit et un guichet d’accompagnement juridique, Congo Créatif 2030 promet d’abaisser les multiples barrières – accès au capital, formalités administratives, réseau de mentors – qui limitent la montée en puissance des innovatrices congolaises. « L’innovation ne peut être un privilège si nous visons la cohésion sociale », rappelle Mme Barry, insistant sur la valeur ajoutée du leadership féminin pour la durabilité des solutions locales.

Les défis structurels de l’écosystème congolais

La réussite du programme dépend toutefois de la capacité à surmonter des contraintes bien identifiées par les études de la Banque mondiale : infrastructures numériques inégalement réparties, coûts logistiques élevés et insuffisance de cadres réglementaires protecteurs de la propriété intellectuelle. À ces facteurs s’ajoute la question cruciale de l’égalité d’accès pour les citoyennes rurales, souvent éloignées des hubs urbains où se concentrent les initiatives.

Dans un pays où 42 % de la population est âgée de moins de 15 ans, le risque d’un fossé générationnel et territorial impose une vigilance particulière. La construction d’indicateurs sexués de suivi sera déterminante pour mesurer l’impact réel du programme sur l’autonomisation des femmes et l’émergence d’emplois qualifiés.

Vers un Centre national de l’innovation ouvert à toutes

Symbole majeur de l’ambition affichée, l’UniPod – futur Centre national de l’innovation – se veut une plate-forme de convergence des talents. Pensé comme un lieu de prototypage, de formation et de recherche appliquée, il fédèrera laboratoires universitaires, start-up, associations féminines et industries culturelles. Le modèle de gouvernance proposé entend accorder une représentativité minimale de 40 % aux femmes dans les organes décisionnels, afin de conférer une légitimité inclusive à l’institution.

La mise en réseau avec des centres analogues de la sous-région permettra d’échanger bonnes pratiques et capitaux, renforçant la visibilité internationale des entrepreneures congolaises. Cette diplomatie de l’innovation s’inscrit dans la stratégie de rayonnement souhaitée par les autorités, soucieuses de montrer un visage dynamique et féminin du Congo sur la scène africaine.

Cap 2030 : scénarios et indicateurs d’impact

En fixant l’horizon 2030, le programme se donne huit années pour démontrer la corrélation entre innovation inclusive et croissance soutenable. Parmi les indicateurs envisagés figurent la proportion de brevets déposés par des femmes, la création d’emplois à haute intensité technologique en milieu rural et la réduction de l’écart salarial dans les secteurs numériques. Le Pnud accompagnera la consolidation de ces données afin d’alimenter le débat public et éclairer les décisions politiques.

L’ambition de Congo Créatif 2030 est d’institutionnaliser un changement culturel : considérer la créativité, qu’elle soit artistique, technologique ou sociale, comme un bien commun à valoriser. Dans cette perspective, l’Observatoire congolais des violences faites aux femmes observe avec intérêt la mise en place de mécanismes de protection contre le harcèlement et la discrimination au sein des structures d’accueil, condition sine qua non pour garantir à chacune un environnement propice à l’expérimentation. Au-delà de l’effervescence initiale, c’est la permanence de ces dispositifs d’inclusion qui saura traduire la promesse de l’accord en progrès tangibles pour toutes les Congolaises.