Rabat, nouveau laboratoire de la diplomatie électorale
Dans son dernier rapport semestriel, le président de la Commission de l’Union africaine, Mahmoud Ali Youssouf, souligne la portée structurante du quatrième cycle de formation des observateurs électoraux organisé à Rabat. Cent vingt nouveaux profils issus de cinquante-deux États membres, dont cent soixante-quinze femmes comptabilisées depuis 2022, ont rejoint le vivier continental capable d’être déployé à bref délai lors de consultations populaires. Au-delà du simple transfert de compétences techniques, l’initiative maroco-africaine est présentée par Addis-Abeba comme une plate-forme de diplomatie coopérative, où se croisent savoirs électoraux, exigences de terrain et ambitions de leadership régional.
Un dispositif continental aux retombées congolaises
Le Congo-Brazzaville, signataire de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, suit avec intérêt l’essor de ce programme. Plusieurs juristes congolaises, sociologues et agents de la société civile interrogés mettent en avant la perspective d’un renforcement de la crédibilité des scrutins à venir grâce à l’intégration d’observateurs ayant bénéficié de modules conjuguant droit électoral, médiation et observation participative. « L’effet d’entraînement sur nos procédures nationales se fera sentir par diffusion de bonnes pratiques », analyse une magistrate détachée auprès de la Commission nationale électorale indépendante.
Femmes observatrices : un levier de légitimité démocratique
Au cœur de la session 2025, un séminaire tenu dans les locaux du Policy Center for the New South s’est focalisé sur la gouvernance inclusive et la sécurisation du leadership féminin. Les débats ont débouché sur l’« Appel à l’action de Rabat », construit autour de cinq orientations complémentaires. Il y est question de quotas de genre à l’intérieur des autorités de gestion électorale, d’enveloppes budgétaires dédiées à la sécurité des observatrices, de dispositifs rapides de lutte contre les violences sexistes, de l’implication des jeunes défenseurs des droits humains et de la ventilation systématique des données par sexe. Autant d’axes qui résonnent avec les objectifs stratégiques de l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes, convaincu que la légitimité des processus électoraux dépend désormais de la visibilité et de la protection des actrices de terrain.
La professionnalisation de l’observation : quelles garanties ?
Si le rapport de l’Union africaine insiste sur la rigueur académique du cursus – simulations d’audit du fichier, méthodologie de collecte d’incidents, évaluation de la sensibilité genre dans le discours public –, certains spécialistes soulignent la nécessité d’un suivi post-formation. Selon une politologue de l’Université Marien-Ngouabi, la question clé demeure celle de la mise en réseau durable des anciens auditeurs afin de mutualiser données et analyses. Les organisateurs assurent que des plateformes numériques internes, régulièrement actualisées, permettront de déployer, pays par pays, des équipes connaissant à la fois les normes continentales et les réalités locales.
Perspectives pour les scrutins congolais
À Brazzaville, plusieurs organisations féminines voient dans ce partenariat africain un vecteur d’empowerment. Le ministère en charge de la Promotion de la femme et de l’Intégration de la femme au développement se prépare déjà à présenter des candidatures pour la prochaine cohorte, convaincu que la montée en compétence des observatrices constitue un atout supplémentaire pour le dialogue électoral national. En filigrane, se dessine une convergence d’intérêts : consolider la stabilité institutionnelle tout en répondant aux attentes croissantes des citoyennes pour une participation pleine et entière à la vie publique. Dans un contexte où la paix sociale demeure au cœur des priorités gouvernementales, l’option d’un contrôle citoyen diversifié, maîtrisé et professionnel est accueillie comme un relais de confiance plutôt que comme un contre-pouvoir.
Une dynamique continentale à suivre
Le programme de Rabat illustre comment la coopération Sud-Sud peut, sur un champ aussi sensible que l’élection, générer des cercles vertueux : montée en compétences, partage d’expériences et promotion de l’égalité de genre. Pour le Congo tout comme pour ses voisins, l’enjeu à moyen terme tient à la capacité d’appropriation nationale. Les prochaines élections législatives seront l’occasion d’apprécier le degré d’intégration des observateurs formés dans la culture politique locale. En attendant, la reconnaissance officielle de l’Union africaine à l’endroit du Maroc agit comme une incitation à poursuivre des partenariats ciblés, capables de conjuguer expertise technique et impératifs de cohésion sociale.