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Une assemblée générale décisive

Après plusieurs années d’attente, l’Association congolaise des enseignants de français a repris vie, samedi 9 août 2025, dans l’amphithéâtre de l’INRAP, à Brazzaville. Une cinquantaine d’adhérents se sont déplacés pour écouter le Pr Omer Massoumou et réfléchir ensemble aux nouveaux défis.

Le contexte post-pandémie, marqué par la transformation numérique et l’évolution des programmes, exigeait, selon le bureau sortant, une réponse collective. « Nous devons repositionner notre discipline au cœur du projet éducatif national », a rappelé le président, un œil rivé sur le futur.

Cette assemblée générale, annoncée depuis plusieurs mois, visait d’abord à adopter une feuille de route réaliste : réactiver les sections locales, mutualiser les ressources pédagogiques et réinstaurer les journées scientifiques interrompues. Les participants en sont sortis déterminés, conscients que la mobilisation doit désormais être permanente.

Redéfinir la mission des enseignants

Au fil des interventions, une distinction essentielle est revenue : enseigner le français ou enseigner en français. Le premier acte renvoie à la transmission directe d’un patrimoine linguistique, le second à l’usage véhiculaire de la langue dans d’autres disciplines. La nuance influence directement la formation.

Pour le Pr Alain Fernand Loussakoumou, responsable du master français à l’ENS, « la didactique du français requiert des compétences spécifiques, comparables à celles d’un ingénieur du langage ». Selon lui, revaloriser cette expertise contribuerait à redresser le niveau d’expression, tant à l’oral qu’à l’écrit dans l’ensemble du système scolaire.

Les délégués ont ainsi adopté le principe d’une cartographie des besoins. Celle-ci recensera les zones où la pénurie d’enseignants qualifiés est la plus forte, afin d’orienter les modules de perfectionnement. L’observation scientifique complétera les données administratives déjà disponibles au ministère.

Former pour mieux transmettre

Le constat dressé par Mme Ninelle Josianne Balenda, de l’Université Marien Ngouabi, reste partagé : tous les enseignants n’ont pas suivi le même parcours. Certains arrivent en classe sans maîtriser les outils méthodologiques modernes, d’où un besoin de formation continue articulée sur des objectifs mesurables et évalués chaque deux semestres.

À court terme, l’ACEF s’est engagée à nouer des partenariats avec les écoles normales et les universités. Objectif : développer des modules de micro-enseignement, où les futurs professeurs testent leurs séquences pédagogiques devant un public restreint, puis corrigent les faiblesses identifiées auprès de pairs.

Un autre chantier porte sur la mutualisation des ressources numériques. La pandémie a montré l’utilité des plateformes interactives ; l’ACEF veut capitaliser sur cet élan pour créer une bibliothèque en ligne d’exercices, de corpus littéraires et de vidéos, accessible même dans les zones rurales congolaises.

Ouverture et inclusivité de l’ACEF

Le nouveau bureau a souligné que l’association reste ouverte à tous ceux qui enseignent en français, y compris dans les disciplines scientifiques. Cette transversalité vise à briser l’isolement et à encourager une culture de partage, essentielle à la réussite des réformes pédagogiques.

Pour renforcer la représentation des femmes, souvent majoritaires dans le premier degré mais peu visibles dans les instances, une commission genre a été proposée. Elle travaillera à promouvoir le leadership féminin et à documenter les obstacles qui freinent la carrière des enseignantes de français au Congo.

L’ACEF souhaite également impliquer les parents d’élèves, premiers partenaires de l’école. Des cafés littéraires itinérants, animés par des enseignants volontaires, favoriseront la découverte des auteurs africains et susciteront un dialogue intergénérationnel autour de la place du français dans la société congolaise.

Dans un pays multilingue où les langues nationales conservent une forte vitalité, plusieurs intervenants ont réaffirmé que le français, loin d’être une menace, agit comme trait d’union. « Valoriser nos idiomes n’exclut pas d’exceller en français », a insisté un membre de l’assemblée ce samedi historique.

Perspectives pour la qualité du français

Au terme des débats, un calendrier d’actions a été validé. Les états généraux du français, prévus au premier trimestre 2026, feront converger chercheurs, inspecteurs et partenaires internationaux. Ils devraient déboucher sur des recommandations alignées sur les objectifs du Plan sectoriel éducation en cours d’élaboration.

Signe d’un appui institutionnel solide, le ministère a confirmé son soutien logistique et encouragé la collecte de données. « Nous attendons des indicateurs précis pour guider notre politique linguistique », a déclaré un responsable, soulignant que la relance associative complète utilement les efforts gouvernementaux déjà entrepris dans ce.

À moyen terme, l’ACEF envisage de créer un label qualité pour les établissements respectant un référentiel exigeant : progression harmonisée, évaluation critériée, activités culturelles intégrées. Cette démarche volontaire offrirait aux familles un repère lisible et encouragerait la circulation des bonnes pratiques pédagogiques dans tout pays.

De l’avis général, la renaissance de l’ACEF arrive au moment opportun. Les mutations sociales, économiques et technologiques redéfinissent les attentes vis-à-vis de la langue. En s’unissant, les enseignants entendent garantir aux élèves congolais un français sûr, vecteur d’égalité d’accès au savoir et d’insertion professionnelle durable au Congo.

Le rendez-vous est pris : d’ici un an, l’association dressera un premier bilan public de ses engagements retrouvés et partagés.