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Un choc pour la communauté médiatique

Le lever du jour du 2 septembre 2025 a glacé les couloirs de DRTV. L’annonce du décès d’Anicet Mongala, figure discrète mais essentielle de la réalisation sportive, a traversé les rédactions comme un souffle coupé, rappelant la fragilité des artisans de l’image.

Dans chaque service, les écrans diffusaient en boucle ses derniers ralentis. Les voix se faisaient basses, les regards humides. Nombre d’entre nous découvraient soudain que le travailleur silencieux agissait, depuis des années, comme ciment social, fédérant techniciens, journalistes et athlètes autour d’une passion commune.

Une trajectoire au service de l’État et du sport

Entré à DRTV au tournant des années 2000, Mongala s’était formé sur le terrain, épousant l’évolution technologique sans jamais trahir sa rigueur analogique. Ses images officielles, notamment lors des déplacements du président Denis Sassou Nguesso, ont fixé la mémoire institutionnelle sans posture ostentatoire.

Sa polyvalence le conduisait des salons présidentiels aux tribunes populaires. Il savait, d’un même geste, magnifier une poignée de main diplomatique et la célébration d’un but au championnat national. Ce regard transversal a contribué à rapprocher citoyens et institutions en valorisant les moments partagés.

Mettre les sportives congolaises sous la lumière

Les cadres signés Mongala ont souvent sorti du hors-champ les athlètes féminines. Il aimait prolonger leurs dribbles, insister sur leurs sourires victorieuses, capter le détail d’un brassard ou d’une tresse qui vole. Par ce parti pris, il a nourri un imaginaire inclusif dans les foyers.

La journaliste sportive Merveille Mbemba rappelle que, grâce à lui, les résumés de championnat féminin recevaient des ralentis similaires à ceux des matches masculins. « Il disait simplement : le geste est beau, peu importe le genre », se souvient-elle, soulignant l’effet d’entraînement sur la perception du public.

L’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes avait d’ailleurs utilisé, lors d’une campagne télévisée de 2023, plusieurs plans de Mongala montrant des basketteuses célébrant ensemble. Le message devenait concret : visibilité et respect médiatique constituent des remparts symboliques contre les discriminations quotidiennes.

Un mentorat informel, surtout auprès des jeunes femmes

Dans les bureaux techniques, il parlait peu mais laissait toujours une place près de l’objectif aux stagiaires. Mbilia Ntonga, aujourd’hui première cadreuse de la chaîne, confie avoir appris « le poids d’un silence bien réglé » en observant sa stabilité légendaire, sans jamais se sentir jugée.

Ce compagnonnage reposait sur la pratique, pas sur les discours. Mongala remettait la caméra, montrait la variation d’ouverture, puis se retirait pour laisser faire. La transmission horizontale, rare dans les environnements hiérarchisés, a permis à plusieurs techniciennes de gagner confiance et respect au sein des régies.

Au-delà du plateau, il encourageait la prise de parole dans les réunions éditoriales. À chacune, il rappelait que l’image se pense avant de se tourner. Cette invitation à conceptualiser la place des femmes à l’antenne a inspiré des formats où expertes et sportives racontent leur propre récit.

Un héritage pour les politiques d’égalité

La disparition de ce pilier technique survient alors que la stratégie nationale de promotion du genre prépare son prochain plan d’action. Les associations professionnelles soulignent qu’intégrer la dimension audiovisuelle demeure central pour déconstruire les stéréotypes et accélérer la participation féminine aux métiers de la caméra.

Reporter sans sensationnalisme la mort d’un travailleur, c’est rappeler que l’égalité passe aussi par la santé au travail. Les cadences irrégulières, la station debout prolongée et le stress du direct affectent femmes et hommes. Une réflexion sur le bien-être du personnel médiatique s’impose désormais, et la prévention médicale demeure urgente.

DRTV a annoncé la création d’une bourse « Trépied » destinée aux étudiantes en réalisation sportive. Portée par la direction générale, l’initiative s’intègre à l’effort gouvernemental d’autonomisation des femmes dans les secteurs créatifs, officialisé lors du Forum national de la jeunesse de Pointe-Noire.

Construire la suite sans perdre le cadre

Sur le terrain d’entraînement de Diata, les joueurs saluent désormais la caméra avant l’échauffement, hommage improvisé au disparu. Le geste, relayé par les réseaux sociaux, rappelle la puissance des symboles partagés et la responsabilité de continuer à montrer chaque visage, surtout ceux longtemps invisibilisés.

Les collègues assemblent un recueil de ses plans emblématiques, destiné aux écoles de journalisme. L’objectif est double : préserver une mémoire technique et fournir aux apprenantes une matière concrète pour analyser la représentation genrée dans les images sportives, un chantier académique encore trop peu exploré localement.

En définitive, célébrer Anicet Mongala revient à reconnaître la valeur d’un métier souvent oublié et à prolonger son intuition : l’objectif ne se contente pas de reproduire la réalité, il la propose. Assurer aux femmes une place pleine et entière dans ce cadre reste notre responsabilité collective.