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Un état des lieux encourageant

La capitale congolaise sort d’une nouvelle opération spéciale d’assainissement, saluée par le ministre Juste Désiré Mondélé d’une mention « assez bien ». Les avenues principales, du boulevard Denis-Sassou-Nguesso à la corniche sud, affichent un nettoyage perceptible qui réjouit les habitantes rencontrées.

Au-delà du pavage reluisant, la fluidité des trottoirs facilite les déplacements quotidiens des vendeuses, lycéennes ou mères de famille. « Lorsque la rue est propre, je gagne du temps et j’ai moins peur des chutes », confie Grâce, commerçante au marché de Poto-Poto.

Le Maudler fixe désormais l’objectif d’une « mention excellente ». L’autorité invite chaque citoyen à intégrer le geste d’entretien dans sa routine domestique, arguant que la propreté urbaine est la première barrière contre les pathologies hydriques endémiques à Brazzaville.

Hygiène et vulnérabilité féminine

D’un point de vue sociologique, l’insalubrité frappe d’abord les femmes, chargées de l’approvisionnement en eau, du lavage des enfants et de l’approche première des marchés. Lorsque les caniveaux débordent, ce sont elles qui pataugent pour atteindre un point de vente ou la borne-fontaine.

Les enquêtes menées par l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes montrent un lien entre voirie obstruée et exposition accrue aux agressions nocturnes. Des tas d’ordures mal éclairés servent de cachettes à la petite délinquance, renforçant un sentiment d’insécurité genré.

De plus, les maladies diarrhéiques touchent les ménages dirigés par des femmes célibataires avec une fréquence deux fois supérieure à la moyenne, selon la Direction générale de l’épidémiologie. Les dépenses de santé qui en résultent pèsent sur des budgets domestiques déjà fragilisés.

Dans ce contexte, l’assainissement n’est pas qu’une question esthétique ; il s’agit d’un levier de réduction des inégalités de genre. Une ville propre libère du temps de soin et réduit la charge mentale liée à la vigilance sanitaire que portent majoritairement les mères.

Vers une citoyenneté environnementale

Le ministère mise sur l’éducation populaire pour consolider les gains. Dans plusieurs écoles de Makélékélé, des clubs « Ma rue, ma santé » initient les élèves à la collecte sélective et au compost. L’idée est de faire des enfants les premiers ambassadeurs du changement comportemental.

Parallèlement, la mairie centrale teste une plateforme mobile où les riverains signalent dépôts sauvages et lampadaires défectueux. Selon le directeur de cabinet, plus de six cents notifications ont été traitées en un mois, améliorant la réactivité des services techniques sans alourdir les budgets.

Ce civisme numérique séduit particulièrement les jeunes femmes entrepreneures, qui utilisent déjà le téléphone pour la livraison de repas ou d’artisanat. Clarisse, fondatrice d’une cantine en ligne, note qu’une voirie assainie rassure sa clientèle et réduit les retards de coursiers motocyclistes.

Les chercheurs du Centre d’études sociologiques de l’Université Marien-Ngouabi insistent : la participation citoyenne accroît la durabilité des politiques publiques. « Quand la communauté s’approprie l’espace, la rue devient un bien commun que l’on protège collectivement », rappelle la professeure Émilie Ibata.

Perspectives de santé publique

Les autorités sanitaires redoutent une recrudescence du choléra dans la sous-région. La saison des pluies prévue pour octobre fera monter les eaux du fleuve Congo et, avec elles, le risque de contamination des puits domestiques mal protégés.

En valorisant l’assainissement préventif, le gouvernement anticipe les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, qui classe la capitale parmi les zones de vigilance modérée. Un environnement dégagé permet un meilleur traitement larvicide et une collecte plus rapide des déchets biomédicaux.

Pour les sages-femmes de l’hôpital de référence de Makélékélé, une rue sans ordures signifie un accès ambulancier sans obstacles et une salle de travail moins exposée aux vecteurs. L’impact direct sur la mortalité maternelle reste à quantifier, mais l’indicateur d’hygiène est déjà en hausse.

Mobilisation communautaire continue

Après l’élan du 15 août, la question est de maintenir la dynamique. Les associations féminines proposent des tournées hebdomadaires d’échange de savoir-faire : fabrication de savon, tri des déchets et réflexion sur la sécurité routière autour des écoles.

Le secteur privé n’est pas en reste. Plusieurs entreprises de nettoyage recrutent désormais majoritairement des jeunes femmes en insertion, leur offrant un revenu et une formation certifiante à la gestion des déchets. Ce modèle démontre que l’assainissement peut aussi être une filière d’autonomisation.

Dans les prochains mois, le ministère prévoit une campagne porte-à-porte centrée sur les ménages à revenus modestes, afin d’accompagner la séparation des déchets organiques. Le pari est simple : consolider la propreté pour transformer durablement la qualité de vie des femmes brazzavilloises.

Des sociologues soulignent toutefois que l’effort devra dépasser les opérations ponctuelles. Sans collecte régulière et sans transparence sur l’affectation des taxes municipales, la motivation risque de s’épuiser. La composante genre devra également être intégrée aux indicateurs de performance pour garantir une approche inclusive.

Pour l’heure, la mention « assez bien » constitue un signal positif, mais beaucoup attendent la pérennisation des acquis. Entre volonté politique, responsabilité citoyenne et vigilance des organisations féministes, Brazzaville expérimente une gouvernance urbaine où la propreté devient un droit partagé.