Un projet financier continental inédit
Fin 2025, l’African Petroleum Producers Organization et Afreximbank finalisent la création de la Banque africaine de l’énergie, dotée d’un capital initial de cinq milliards de dollars destiné aux projets pétroliers, gaziers et renouvelables du continent.
L’institution, conçue pour combler un déficit d’investissement évalué à cinquante milliards de dollars par an, s’appuie sur un actionnariat en trois niveaux incluant États membres d’APPO, autres pays africains et investisseurs privés.
À ce jour, quarante-quatre pour cent des apports minimaux ont été réunis, attestant de la confiance régionale dans cet instrument financier pensé pour l’autonomie énergétique.
Le choix d’un modèle multilatéral permet d’obtenir la note d’investissement requise pour lever des fonds sur les marchés obligataires internationaux, tout en maintenant une gouvernance africaine inspirée de la Banque africaine de développement, notent plusieurs analystes basés à Abidjan.
Les engagements de la République du Congo
Brazzaville figure parmi les premières capitales à avoir confirmé sa participation, rejoignant l’Angola, le Nigeria et le Ghana dans le tour de table initial, ainsi que l’a indiqué le ministère congolais des Hydrocarbures.
Selon la même source, la contribution congolaise devrait accroître la visibilité des opérateurs nationaux, tout en offrant de nouvelles lignes de crédit capables de sécuriser l’exploration offshore et le raffinage local.
Le gouvernement souligne que l’opération s’inscrit dans le Plan national de développement 2022-2026, qui accorde une place centrale à l’industrialisation et à l’inclusion sociale.
Réduire la fracture énergétique genre
Le lien entre accès à l’énergie et autonomisation des femmes est largement documenté par la Banque mondiale; encore 54 % des ménages ruraux congolais dirigés par des femmes n’ont pas de connexion fiable.
Pour Jacqueline Moudilou, sociologue à l’Université Marien Ngouabi, « chaque heure gagnée sur la collecte de bois se traduit par plus de temps pour l’éducation ou l’activité rémunérée ».
En finançant des mini-réseaux solaires ou le gaz de cuisson, la future banque pourrait alléger la charge domestique et sanitaire qui pèse surtout sur les Congolaises.
Des opportunités pour l’entrepreneuriat féminin
Le Fonds national d’appui à l’entreprenariat féminin recense déjà deux cent cinquante projets bloqués faute de garantie bancaire; de nouvelles facilités de la Banque africaine de l’énergie pourraient abaisser les taux d’intérêt.
L’économiste Faustin Mayanda rappelle que les chaînes de valeur parapétrolières — logistique, restauration, maintenance — sont « des créneaux réalistes pour les PME tenues par des femmes, pourvu que l’accès au crédit suive ».
L’ancrage du siège à Abuja n’empêchera pas l’ouverture d’un bureau régional à Pointe-Noire, actuellement envisagé par Afreximbank pour rapprocher l’offre de financement des entreprises congolaises.
Les responsables d’Afreximbank évoquent déjà un guichet dédié aux initiatives dirigées par des femmes, assorti d’une assistance technique destinée à renforcer les compétences en comptabilité, marketing digital et gestion des risques.
Garanties environnementales et durabilité
La présence d’investisseurs privés impose des standards ESG; PWC, recruté comme consultant, conseille des seuils d’émission et des audits sociaux annuels afin de protéger les communautés riveraines.
Les associations écologiques congolaises attendent des mécanismes de suivi qui incluent les femmes dans les comités locaux, afin de prévenir toute forme de vulnérabilité spécifique lors des chantiers.
L’objectif annoncé d’un portefeuille à 25 % renouvelables d’ici 2030 offre une fenêtre pour accélérer l’électrification verte des écoles et centres de santé fréquentés majoritairement par des jeunes filles.
Perspectives et attentes des associations de femmes
Pour l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes, la gouvernance de la banque devra garantir un quota de représentantes des organisations féminines au conseil consultatif.
« L’accès à l’énergie est aussi une question de sécurité, notamment contre les violences nocturnes », insiste Clarisse Bissila, coordinatrice de l’ONG Femmes Main dans la Main.
Les acteurs de la société civile appellent à un dialogue régulier avec Afreximbank pour s’assurer que les lignes de crédit tiennent compte des critères de genre dans l’évaluation des projets.
Un agenda réaliste mais ambitieux
Le calendrier validé par le conseil exécutif d’APPO prévoit une approbation finale au dernier trimestre 2025 et une entrée en opération quelques mois plus tard, un rythme salué par les analystes.
Avec un objectif d’actifs portés à cent vingt milliards de dollars à long terme, l’institution promet de réduire la dépendance africaine aux capitaux étrangers et de retenir une plus grande part de valeur ajoutée.
Pour les Congolaises, l’enjeu est clair: transformer enfin la richesse énergétique nationale en emplois décents, infrastructures de base et opportunités économiques inclusives.
Cependant, la réussite passera aussi par la transparence: la publication semestrielle des bénéficiaires de prêts, ventilée par sexe et par secteur, constituerait un signal fort pour les bailleurs internationaux sensibles aux indicateurs de gouvernance.