Une ouverture haute en couleur
Le Gymnase Maxime Matsima résonne encore des cris et tambours de la première journée des championnats nationaux de basket-ball, ouverte le 7 août 2025. Des tribunes aux abords, une ferveur mêlant sport, rythmes urbains et danses traditionnelles a électrisé Makélékélé.
Ce démarrage constitue la première grande vitrine publique de la nouvelle équipe dirigeante de la Fédération congolaise de basket-ball, emmenée par Fabrice Makaya Matève. L’organisateur entend faire du tournoi un symbole de renouveau et de cohésion, reflet des ambitions nationales.
Quarante-neuf formations, dont seize équipes féminines seniors et juniors, s’affronteront jusqu’au 24 août. Le calendrier condensé promet une densité de jeux inédite, offrant aux recruteurs ainsi qu’aux supporters une occasion rare d’observer des talents féminins encore peu médiatisés.
Présence institutionnelle et message d’équité
La cérémonie d’ouverture, présidée par le directeur général des Sports Jean Robert Bindélé, a rassemblé plusieurs membres du gouvernement. Dans leurs interventions, l’accent a été mis sur la rigueur organisationnelle, mais aussi sur la promotion de l’égalité des chances sur et hors parquet.
Interpellé sur la représentativité féminine, M. Bindélé a rappelé « l’engagement constant des autorités à faire de chaque compétition une vitrine d’équité ». Une ligne que partage la ministre chargée de la Promotion de la femme et de l’Intégration féminine, qui suit de près la compétition.
Dans les travées, la présence visible de fonctionnaires, d’entrepreneurs et d’ONG locales a illustré une convergence d’intérêts. Selon l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes, le sport est un espace stratégique pour transformer les normes de genre et favoriser l’autonomie économique.
Parité sur le parquet : état des lieux
Sur le plan strictement sportif, les statistiques 2024 montraient une participation féminine de 29 % aux championnats. Les organisateurs annoncent déjà un bond à 33 % cette saison. La progression reste lente, mais elle confirme une tendance continue malgré les contraintes budgétaires de certaines ligues régionales.
Dans la catégorie des seniors dames, l’équipe de CNSS, tenante du titre, retrouve ses rivales de l’AS Cheminots et d’Énergie. Le récent recrutement d’une poste 5 de deux mètres, formée à Pointe-Noire, attise la curiosité des amateurs et redonne de la visibilité au basket féminin.
Chez les juniors, les académies privées montent en puissance. Le programme Élan Espoir a présenté une formation composée à 60 % de joueuses issues des quartiers périphériques brazzavillois. Leur entraîneure explique que « la compétition nationale offre un laboratoire unique pour accélérer l’apprentissage des jeunes filles ».
Voix de joueuses et entraîneurs
Adèle Moukala, ailière de l’Interclub, raconte avoir quitté la ville d’Owando pour poursuivre « un rêve devenu métier ». Pour elle, la présence d’officiels dès la première journée montre que le basket féminin gagne en crédibilité et pourrait, à terme, attirer davantage de sponsors locaux.
Son entraîneur, Dieudonné Koumba, estime que la structuration du championnat et la diffusion en streaming sur la plateforme publique Télé Congo renforcent la motivation des athlètes. « Les familles peuvent enfin suivre les matchs, cela change le regard porté sur la pratique féminine », glisse-t-il.
Du côté des officiels fédéraux, on reconnaît toutefois des défis persistants. Le trésorier général parle de « logistique complexe » pour garantir des conditions d’hébergement identiques aux équipes masculines. Il évoque l’exploration de partenariats avec des hôtels et compagnies aériennes afin de pérenniser l’effort.
Plus globalement, les associations de lutte contre les discriminations sportives insistent sur la nécessité d’une politique d’accompagnement post-carrière. Nombre de joueuses peinent à convertir leur expérience sportive en opportunités professionnelles stables, un enjeu déterminant pour consolider les acquis en matière de parité.
Enjeux sociétaux et perspectives
Sociologues et économistes soulignent que l’essor du basket féminin peut agir comme levier d’émancipation. Les retombées vont de la création d’emplois dans la filière événementielle à la diffusion de modèles de réussite locale, éléments cruciaux pour déconstruire les stéréotypes liés au genre.
Le ministère de la Jeunesse annonce le lancement d’un fonds d’appui aux jeunes sportives, destiné à financer des micro-projets communautaires liés à la santé et à l’éducation. L’initiative, alignée sur la feuille de route gouvernementale, pourrait amplifier l’impact social des compétitions nationales.
Dans une perspective de long terme, plusieurs analystes recommandent la mise en place d’indicateurs sexués pour chaque édition. De tels outils permettraient de mesurer précisément l’évolution des budgets, du temps d’antenne et des audiences, facilitant des décisions fondées sur des données solides.
Prochaines étapes et attentes
Les embouts de chaussures grincent déjà sur le parquet tandis que la succession des championnes 2024 reste ouverte. Les finales prévues le 24 août seront scrutées par les inconditionnels, mais aussi par les institutions qui y verront un baromètre du progrès vers l’égalité sportive.
D’ici là, chaque dribble, chaque pas, chaque tir inscrit par une joueuse réaffirme que le basket-ball congolais se conjugue désormais au féminin pluriel. Au-delà du score, c’est toute une génération qui, sous les projecteurs, réécrit la place des femmes dans l’espace public.