Borne MTN: un nouvel éclat au cœur de Mossendjo
Au rond-point Chamoukoualé, deux totems jaunes bourdonnent jour et nuit. Ces bornes de recharge offertes par l’opérateur MTN attirent un flux constant d’habitants venus ranimer leurs téléphones, indispensable outil social dans une ville privée d’électricité régulière depuis plusieurs années.
La scène paraît anodine, pourtant elle raconte une expérience collective de résilience énergétique. Sans poser de jugement politique, l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes y voit une illustration concrète des inégalités d’accès aux services essentiels, souvent ressenties plus vivement par les femmes et les filles.
L’énergie manquante, un défi quotidien
D’après le dernier recensement local, près de 62 % des ménages féminins de Mossendjo utilisent le téléphone mobile pour coordonner les ventes de manioc, sécuriser les envois d’argent ou alerter en cas d’urgence sanitaire. Impossible sans batterie, d’où l’importance stratégique de ces bornes communautaires.
Chaque unité peut accueillir quarante-cinq appareils sous surveillance vidéo. Le courant provient d’un puissant groupe électrogène installé par MTN, entretenu selon un protocole hebdomadaire. L’opérateur revendique ainsi sa responsabilité sociétale tout en consolidant la fidélité d’abonnés contraints d’attendre, parfois plus d’une heure, leur tour.
Sur place, la sociabilité se réinvente. Des mères débattent du prix du sac de charbon, des étudiantes comparent les plateformes d’apprentissage en ligne, des adolescentes échangent des astuces pour sécuriser leurs comptes WhatsApp. La borne devient forum public, révélateur discret des besoins numériques féminins.
Pourquoi Mossendjo reste-t-elle plongée dans l’obscurité ? Les équipements de la Société nationale d’électricité sont visibles mais obsolètes, affirment des techniciens indépendants. Le coût d’une réhabilitation complète excéderait, selon eux, deux milliards de francs CFA, une somme difficile à mobiliser rapidement.
Femmes et téléphone mobile: une alliance vitale
En attendant, l’accès privé à l’énergie s’organise. Les plus aisées achètent des panneaux solaires domestiques et louent des prises à 200 francs CFA la charge. Pour nombre de femmes cheffes de ménage, cette dépense représente l’équivalent d’un repas, d’où le succès du service gratuit de MTN.
Le sociologue Patrick Mavoungou souligne que « le téléphone est devenu la première infrastructure de protection pour les femmes rurales ». Prévenir la gendarmerie, joindre un centre de santé ou appeler un taxi-moto nécessite une autonomie énergétique, condition préliminaire à l’autonomie tout court, rappelle-t-il.
Innovations locales et partenariats responsables
Des voix féminines proposent déjà des améliorations. Un hangar couvert avec bancs atténuerait la fatigue des longues files. La municipalité étudie l’idée, indique son secrétaire général, qui évoque un partenariat public-privé pour financer un abri et installer un lampadaire solaire d’appoint.
Cette coordination entre opérateur, autorités locales et usagers s’inscrit dans l’Objectif de développement durable numéro 7 sur l’énergie propre et abordable. Elle montre qu’un dispositif ponctuel peut devenir catalyseur d’initiatives sociales lorsque les institutions dialoguent et que la société civile formule des demandes explicites.
Pourtant, la recharge communautaire ne résout pas tout. Plusieurs usagères regrettent l’absence de prises adaptées aux tablettes, utilisées pour le suivi scolaire des enfants. D’autres déplorent le bruit continu du générateur, stress acoustique qui s’ajoute aux soucis du quotidien.
Sur le plan économique, MTN parle d’un investissement initial de 12 millions FCFA, amorti par l’augmentation de 18 % de l’usage de services de données dans la zone. Cette croissance témoigne d’un cercle vertueux où l’inclusion numérique épouse les logiques entrepreneuriales sans grever les budgets publics.
Des impacts mesurables sur l’autonomie féminine
D’autres opérateurs observent le modèle. Airtel aurait déjà cartographié trois emplacements possibles dans la même région. Si cette émulation se confirme, Mossendjo pourrait devenir un laboratoire national de micro-solutions énergétiques, complémentaires des projets hydroélectriques planifiés dans le Niari.
Sur le terrain, les associations féminines documentent l’impact. L’Union des Femmes du Bassin du Niari rapporte une baisse de 27 % des trajets nocturnes vers les villages voisins pour recharger un téléphone. Moins de déplacements signifie plus de temps pour les activités domestiques et éducatives.
Interrogée, Mama Joséphine, vendeuse de beignets, confie avoir économisé 3 000 FCFA par mois depuis l’installation des bornes. « Je peux acheter un cahier supplémentaire pour ma fille », sourit-elle. Ces micro-gains financiers, multipliés par des centaines de ménages, soutiennent l’économie locale.
Pour maintenir cette dynamique, les expertes en genre recommandent un comité de gestion intégrant au moins 50 % de femmes. La participation active garantirait l’orientation des futures améliorations vers les priorités féminines, telles que la prévention des violences basées sur le genre et l’accès aux informations sanitaires.
Vers une politique inclusive de l’énergie
À l’échelle nationale, les responsables du ministère de la Promotion de la Femme saluent l’initiative. Un conseiller rappelle que l’accès à l’énergie est mentionné dans le quatrième Plan d’action national genre, lequel prévoit un programme pilote d’électrification de marchés ruraux, désormais inspiré par l’exemple niari.
Mossendjo n’est donc pas seulement un récit de pénurie énergétique. La ville démontre qu’un simple câble d’alimentation peut tisser des liens, relancer l’activité commerciale féminine et renforcer la sécurité collective. L’observatoire continuera de suivre cette expérience, convaincu que l’énergie solidaire éclaire toujours plus loin.