Un partenariat financier Sino-Congolais en pleine maturité
Le vendredi 11 juillet 2025, le hall de marbre du siège brazzavillois de la Banque Sino-Congolaise pour l’Afrique vibrait d’un mélange de solennité et d’euphorie. Sous le patronage du Premier ministre Anatole Collinet Makosso, diplomates et représentants d’institutions financières se sont pressés pour saluer la première décennie d’une banque née d’un ouvrage politique tissé entre Beijing et Brazzaville. L’initiative, esquissée en 2013 lors de la visite du président Xi Jinping et encouragée par le président Denis Sassou Nguesso, visait à adjoindre aux grands chantiers d’infrastructures une architecture financière susceptible de fluidifier les échanges bilatéraux.
En dix ans, cette création hybride – à capitaux croisés publics et privés – s’est muée en symbole de maturité économique. « La BSCA Bank représente l’exemple vivant d’un multilatéralisme pragmatique, au service d’un développement partagé », a insisté l’ambassadeur de Chine au Congo, rappelant le rôle pivot des banques mixtes dans l’initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie. Loin des rhétoriques d’assistanat, l’établissement se veut un acteur d’intégration régionale, tout en respectant les régulations de la Banque des États de l’Afrique Centrale.
Des indicateurs de performance à la hauteur des ambitions
À l’échelle du paysage bancaire congolais, la trajectoire de la BSCA Bank relève d’une ascension fulgurante. Le ministre des Finances Christian Yoka a mentionné une part de marché de plus de 20 % sur les dépôts, ce qui place la jeune institution devant des acteurs établis depuis plusieurs décennies. Sur le volet crédit, la banque revendique près de 15 % des encours destinés au secteur privé, tandis que sa contribution au financement souverain avoisine 18 %.
Ces chiffres, corroborés par les rapports annuels de la Commission bancaire d’Afrique centrale, traduisent la confiance d’une clientèle diversifiée et la solidité d’indicateurs prudentiels. Le ratio de solvabilité se maintiendrait ainsi au-delà des exigences réglementaires de 8 %, permettant de soutenir l’extension d’un réseau passé de 1 à 7 agences et de recruter près de 200 salariés, dont 85 % de nationaux. Au-delà des courbes, c’est l’enjeu qualitatif qui retient l’attention : modernisation des moyens de paiement, digitalisation progressive et facilitation de correspondances bancaires internationales.
Vers une bancarisation inclusive au service des Congolaises
L’attention portée aux indicateurs macro-financiers ne doit pas occulter la question de l’inclusion, terrain où la banque déclare vouloir se distinguer. Selon les données de la Banque mondiale, la proportion de femmes adultes disposant d’un compte bancaire au Congo stagne autour de 27 %. « Notre ambition est de réduire l’écart de genre en matière d’accès aux services financiers », explique Grâce Mbemba, directrice adjointe chargée du développement commercial. À cette fin, l’établissement propose des micro-crédits dédiés aux coopératives féminines du secteur agro-alimentaire et soutient des programmes de formation à la gestion comptable.
Les résultats demeurent encore timides, reconnaît-on en interne, mais la dynamique s’inscrit dans une logique d’éco-système. L’Observatoire congolais des violences faites aux femmes souligne, dans son dernier rapport, le rôle catalyseur de l’autonomie économique dans la réduction de la vulnérabilité. En facilitant l’épargne sécurisée et le crédit productif, la BSCA Bank pourrait renforcer la résilience des ménages dirigés par des femmes, particulièrement exposés aux chocs exogènes.
Capital humain : le pari d’une coopération interculturelle
L’institution n’a pas seulement investi dans des guichets ou des plateformes numériques. Elle a misé sur un transfert de compétences que d’aucuns qualifient de « diplomatie silencieuse ». « Nous avons commencé à 39 agents ; nous sommes désormais 200 et la proportion de cadres féminins atteint 43 % », se félicite Wang Zhiheng, directeur général de la Banque agricole de Chine, partenaire de référence. Les programmes de mentorat croisé et les bourses d’études bancaires en Chine ont permis à de jeunes Congolaises de se former aux normes IFRS ou à la cybersécurité financière.
Cette mixité culturelle s’accompagne toutefois de défis managériaux. Les experts en sociologie des organisations rappellent la nécessité de protocoles de gouvernance clairs afin d’éviter les incompréhensions liées aux différences de pratiques professionnelles. Pour l’heure, la co-direction sino-congolaise se présente comme un modèle de complémentarité, où les expériences asiatiques en matière de micro-finance rencontrent la connaissance fine du terrain local.
Objectif 2030 : consolider le rôle de catalyseur économique
Le troisième plan quinquennal, en cours d’élaboration pour la période 2026-2030, ambitionne d’ancrer davantage la BSCA Bank dans le financement des secteurs stratégiques identifiés par le Plan national de développement : agriculture de transformation, énergies renouvelables, logistique portuaire. Conformément aux orientations du gouvernement, il s’agira de renforcer la bancabilité des PME tout en maîtrisant la structure de risque.
Pour Christian Yoka, « la prochaine étape consistera à mobiliser l’épargne domestique au profit d’investissements à forte valeur ajoutée, notamment ceux portés par les entrepreneures congolaises ». De nouveaux produits indexés sur la chaîne de valeur agricole sont envisagés, de même que des lignes de crédit vertes, ce qui pourrait inscrire la banque dans les standards ESG internationaux et répondre aux attentes d’une jeunesse sensible aux questions climatiques.
Dix ans plus tard, quel horizon socio-économique ?
Une décennie après son lancement, la BSCA Bank apparaît comme un chaînon solide entre une diplomatie économique et la quête de modernisation du système financier national. Sa performance technique, couplée à un discours d’inclusion, nourrit un optimisme prudent. Les spécialistes interrogés soulignent toutefois que la pérennité de cet élan dépendra de la stabilité macro-économique, de l’amélioration du climat des affaires et de la capacité des institutions à accompagner l’entrepreneuriat féminin au-delà des effets d’annonce.
Alors que retentissaient les percussions de la fin de cérémonie, une entrepreneure de Makélékélé confiait : « Si la banque continue à croire dans nos initiatives, c’est toute une génération de femmes qui passera du commerce informel à l’économie formelle ». Au-delà des chiffres, c’est peut-être là que réside l’enjeu véritable : traduire la puissance d’un partenariat international en progrès tangibles pour la population congolaise, et tout particulièrement pour celles dont la voix, longtemps marginalisée, émerge désormais dans les salles de conseil.