Pointe-Noire accueille une agence modèle
Le 26 août, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso a franchi les portes vitrées de la nouvelle agence côtière de la BSCA Bank à Pointe-Noire. La visite officielle, sobre mais symbolique, signale l’importance accordée par l’État à un secteur bancaire perçu comme moteur d’inclusion.
Implantée sur la Côte sauvage, l’agence se distingue par une architecture ouverte sur l’océan, rappelant la vocation maritime de la capitale économique. Ce premier guichet maritime ambitionne de rapprocher les services financiers des quartiers populaires, souvent éloignés des circuits bancaires classiques.
Inclusion financière féminine en ligne de mire
Pour l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes, l’ouverture intervient à un moment charnière : plus de 60 % des Congolaises demeurent non bancarisées, selon notre dernière enquête interne. Accéder à un compte peut pourtant réduire la vulnérabilité économique, premier vecteur de violences domestiques.
La BSCA Bank assure que ses nouveaux produits, comme le micro-épargne sans frais de tenue, cibleront prioritairement les vendeuses de marché et les pêcheuses de la côte. « Nous voulons que chaque femme puisse sécuriser son revenu quotidien », souligne Chantal Makosso, directrice régionale adjointe.
Le rôle catalyseur des réformes publiques
Depuis cinq ans, la stratégie gouvernementale met l’accent sur l’assainissement macroéconomique et la modernisation des paiements. Les textes autorisant l’ouverture de comptes à faible documentation ont ouvert la voie à une bancarisation simplifiée, plébiscitée par les petites entrepreneures des quartiers urbains périphériques.
La présence du Premier ministre à Pointe-Noire confirme la volonté politique. « L’inclusion financière n’est plus un slogan, c’est un chantier structurant pour notre croissance », a-t-il déclaré, rappelant que le Plan national de développement 2022-2026 fixe un taux de bancarisation de 50 % à horizon quatre ans.
Dix ans d’une banque Sino-Congolaise engagée
Fondée en 2015, la BSCA Bank célèbre cette année son premier décennaire. Fruit d’un partenariat sino-congolais, l’institution revendique 140 000 comptes et un volume de dépôts en hausse de 25 % annuel. Les analystes y voient l’effet combiné des réformes et d’une offre numérique agressive.
L’agence de la Côte sauvage devient ainsi un laboratoire de services 24h/24, alliant bornes de dépôt instantané, Wi-Fi gratuit et assistance en langue locale. Ce dispositif, pensé avec des associations féminines, doit lever les barrières linguistiques et horaires qui freinent souvent l’ouverture d’un premier compte formel.
Témoignages de clientes entrepreneures
À quelques rues, Clarisse, 32 ans, tient un étal de poissons fumés. Elle confie avoir longtemps caché ses recettes chez elle par crainte du regard masculin. « Avec la carte prépayée de la BSCA, je peux épargner sans dépendre de mon époux », dit-elle, sourire discret.
Même son de cloche pour Thérèse, couturière, qui raconte avoir obtenu un microprêt de 300 000 FCFA après trois mois d’historique de flux. « Les banques nous voyaient comme risquées. Désormais, nos chiffres parlent pour nous », explique-t-elle, montrant sur son téléphone l’application mobile en lingala.
Perspectives pour l’Observatoire et la société civile
Pour l’Observatoire, ces expériences confirment que l’autonomisation passe par la maîtrise des ressources. Nous préparons un protocole d’accord avec la BSCA afin de former 500 leaders communautaires à la gestion budgétaire et à la dénonciation des pratiques usuraires encore fréquentes dans l’économie informelle.
La banque s’engage parallèlement à transmettre des données désagrégées par genre, outil indispensable pour mesurer l’impact. Une telle transparence, rare dans le secteur, permettra de calibrer les actions publiques de soutien à l’entrepreneuriat féminin et d’affiner les campagnes de sensibilisation contre la dépendance financière.
Technologies et services 24h/24
Outre les guichets, l’espace libre-service accessible de nuit intéresse particulièrement les femmes marchandes, dont l’activité commence avant l’aube. Selon la direction de l’agence, 30 % des transactions nocturnes en phase pilote ont été réalisées par des titulaires de comptes féminins.
L’installation de lampadaires solaires et de caméras dissuasives autour du site rassure les usagères. « La sécurité conditionne l’utilisation. Nous voulons que les femmes viennent déposer leurs gains sans craindre les agressions », insiste le commissaire divisionnaire Jean-Félix Itoua, chargé de la sécurité urbaine.
Un avenir partagé entre acteurs publics et privés
Les organisations de la société civile plaident désormais pour un guichet dédié aux survivantes de violences, proposant microcrédit, orientation juridique et soutien psychologique. Le ministère de la Promotion de la femme étudie le projet, saluant « une articulation concrète entre finance, protection et développement ».
À terme, l’agence de la Côte sauvage pourrait servir de modèle national, répliqué à Ouesso ou Dolisie. Des partenariats publics-privés, conjuguant stabilité macroéconomique et engagement social, démontrent que la bancarisation peut devenir un levier tangible de lutte contre la précarité féminine sans opposer croissance et équité.
Formation et éducation financière continue
Dès septembre, des séances pratiques d’éducation financière se tiendront chaque mercredi dans la salle communautaire de l’agence. Les modules, conçus avec l’Institut national de statistique, aborderont la tenue d’un cahier de recettes, la planification des dépenses scolaires et l’utilisation responsable du crédit.
Une évaluation semestrielle mesurera les progrès. « Nous voulons des indicateurs vérifiables, comme l’augmentation de l’épargne moyenne par cliente », précise Irène Nyangui, économiste à l’Observatoire. Ces données alimenteront un tableau de bord public, afin d’encourager la reddition de comptes et la réplication des bonnes pratiques.