Vers un rendez-vous culturel majeur
Nous sommes à quelques semaines d’un rendez-vous inédit sur les rives du fleuve Congo. Le 27 septembre, Brazzaville accueillera son premier Carnaval touristique, initiative de Wild Safari Tours et de l’Opit, vouée à mettre en lumière le patrimoine national.
Au-delà du folklore, cet événement s’inscrit dans le calendrier mondial de la Journée internationale du tourisme et répond à la stratégie gouvernementale visant à faire du secteur un moteur diversifié de croissance socio-économique tout en consolidant l’image paisible du pays.
Tourisme responsable et inclusion féminine
La direction de l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes se réjouit particulièrement de la place accordée cette année aux entrepreneures touristiques, aux guides féminins et aux coopératives artisanales, souvent invisibles dans les grands rendez-vous économiques.
Selon la sociologue Clarisse Mantsi, « l’appropriation de l’espace touristique par les femmes renforce leur autonomie et redéfinit la narration nationale ». Elle rappelle que 54 % des diplômes congolais en hôtellerie sont obtenus par des femmes, chiffre encore sous-exploité.
Un parcours festif au cœur de la capitale
Le cortège partira du boulevard Alfred-Raoul, traversera la corniche rénovée, puis rejoindra la place des Trois-Martyrs. Tout au long du trajet, des stands gourmands, des ateliers de tissage et des performances chorégraphiques présenteront la diversité des terroirs congolais.
Les organisateurs promettent une logistique durable : recyclage des déchets, éclairage solaire et navettes collectives. L’Opit estime que ces mesures permettront de réduire de 30 % l’empreinte carbone de la manifestation par rapport à un événement classique de même ampleur.
Retombées économiques espérées
En 2022, le Congo a accueilli près de 210 000 visiteurs, générant 110 millions de dollars, selon la Banque mondiale. Le ministère du Tourisme ambitionne de doubler ce chiffre d’ici à 2027, notamment grâce aux manifestations culturelles de grande visibilité.
Le carnaval devrait créer 600 emplois temporaires, dont près de la moitié confiés à des jeunes femmes issues des quartiers périphériques de Brazzaville. Pour beaucoup, il s’agira d’une première expérience professionnelle ouvrant l’accès à des réseaux durables du secteur.
Sécurité et prévention des violences
Wild Safari Tours a signé un protocole avec la Direction générale de la police nationale pour instaurer des patrouilles mixtes, intégrer des numéros verts et former 120 bénévoles à la prévention du harcèlement pendant la période festivalière.
« Nous voulons que la fête soit sûre pour toutes et tous », insiste Francel Emerancy Ibalank. Les associations féminines participeront à un stand d’écoute, conçu pour orienter d’éventuelles victimes vers les structures d’accompagnement médico-psychologique déjà opérationnelles dans la capitale.
Patrimoine vivant et narration musicale
La programmation musicale mêlera rumba, ngoma et hip-hop. La chanteuse Queen Tawa a accepté de composer l’hymne officiel, illustrant « l’harmonie entre les générations et les genres ». Un clip promotionnel sera diffusé sur les télévisions régionales.
Sur les podiums, les maisons de couture dirigées par des stylistes congolaises présenteront des collections éco-responsables, utilisant le raphia du Kouilou et les teintures naturelles de la Sangha, témoignant d’un artisanat durable qui séduit désormais les marchés internationaux.
L’enjeu de la formation
En amont, une série d’ateliers gratuits en gestion hôtelière, marketing digital et sécurité alimentaire est proposée aux étudiantes de l’École supérieure de tourisme. L’objectif est de consolider leurs compétences afin de répondre aux futures offres d’emploi du secteur.
La plateforme Congolia Jobs annonce déjà l’ouverture d’un portail spécial pour recueillir les candidatures féminines, en partenariat avec le Centre national de l’emploi. Cette anticipation montre la volonté de transformer un événement ponctuel en vecteur pérenne d’autonomisation.
Résonance régionale et diplomatique
La République sœur du Rwanda sera l’invitée d’honneur. L’ambassade confirme l’arrivée d’une délégation d’investisseurs et d’artistes. Cette dimension sud-sud illustre l’intégration économique prônée par la Zone de libre-échange continentale africaine, entrée en vigueur en 2021.
Les retombées médiatiques s’annoncent significatives : Télé Congo, Africanews et plusieurs influenceurs du continent ont prévu des directs. Selon l’Opit, la couverture pourrait toucher 15 millions de téléspectateurs, soit une visibilité inédite pour le patrimoine immatériel congolais.
Vers un tourisme plus résilient
La crise sanitaire a rappelé la fragilité du secteur. Les autorités misent désormais sur la diversification : tourisme d’affaires, écotourisme dans les parcs de Nouabalé et de Conkouati, sans oublier les circuits mémoriels de la traite négrière sur le fleuve.
La tenue du Carnaval touristique vient donc compléter cette architecture stratégique. En mettant en avant l’expertise féminine, l’événement s’inscrit dans les Objectifs de développement durable, notamment ceux relatifs à l’égalité de genre et à l’emploi décent.
Regards d’habitantes de Brazzaville
Sur l’avenue de la Paix, Marie-Noëlle, vendeuse de broderies, confie attendre « un afflux de clients et un sentiment de fierté collective ». Pour Safi, étudiante en tourisme, le défilé offre « la promesse d’un avenir professionnel au pays ».
Cap sur le 27 septembre
En conjuguant prospérité locale, sécurité des participantes et célébration identitaire, le Carnaval touristique de Brazzaville s’annonce comme un laboratoire de bonnes pratiques. Il appartiendra aux citoyennes d’y saisir les nouvelles opportunités pour façonner un tourisme réellement inclusif.
Les organisateurs prévoient déjà une édition 2025, élargie aux capitales voisines du Bassin du Congo, signe d’ambition régionale affirmée clairement.