Épidémie de choléra : état des lieux sanitaire
La saison sèche, souvent synonyme de pénuries d’eau, a vu resurgir un foyer de choléra sur l’île Mbamou fin juillet 2025. En moins d’une semaine, plus d’une centaine de cas suspects ont été enregistrés et douze décès confirmés par les autorités sanitaires.
Le ministère de la Santé et de la Population a aussitôt déclenché son plan de riposte, s’appuyant sur la surveillance épidémiologique, la chloration des points d’eau et la sensibilisation communautaire. L’Organisation mondiale de la Santé et le Fonds des Nations unies pour la population ont complété cette mobilisation.
Au 4 août, le tableau dressé par le Centre des opérations d’urgence faisait état de 335 cas suspects, 29 décès et 234 guérisons. Les chiffres, encore évolutifs, soulignaient la progression rapide de la maladie et la nécessité de consolider les efforts déjà déployés sur le terrain.
Femmes et filles en première ligne face au choléra
Au-delà des indicateurs, la crise rappelle que l’accès sécurisé à l’eau demeure un déterminant social majeur de santé publique. Dans les villages fluviaux comme dans les quartiers périphériques de Brazzaville, la dépendance aux puits non protégés accroît la propagation du Vibrio cholerae.
Les femmes et les filles, traditionnellement chargées de la collecte d’eau, parcourent de longues distances pour remplir les bidons. Cette responsabilité quotidienne accentue leur exposition aux agents pathogènes et limite leur temps consacré aux activités économiques, scolaires ou de participation citoyenne.
« Lorsque la rivière se contamine, nous n’avons pas d’alternative », témoigne Espérance Ngatsé, mère de quatre enfants sur l’île Mbamou. Dans la cour de sa maison, les seaux remplis d’eau saumâtre rappellent la fragilité des filets sanitaires dans les zones insulaires du pays.
Un don d’eau minérale qui change la donne
C’est dans ce contexte que Global développement SA, dépositaire de la marque Globaline, a remis le 20 août un lot de 1 500 bidons de 4,5 litres d’eau minérale, soit 6 750 litres, au ministère. Le don, évalué à un million de francs CFA, renforce l’approvisionnement d’urgence.
Le directeur général Michel-Roger Bounda a souligné « l’impératif éthique pour chaque entreprise citoyenne de soutenir la santé publique ». Pour le professeur Jean-Rosaire Ibara, ministre de la Santé et de la Population, ce geste illustre la complémentarité entre secteur privé et action gouvernementale.
La distribution de l’eau minérale sera prioritairement orientée vers les centres de traitement, les écoles et les foyers accueillant des femmes enceintes. Selon le Dr Vincent Sossou Soudjinou, représentant de l’OMS, l’hydratation sûre constitue une composante déterminante de la prise en charge des cas.
Coordination gouvernementale et partenariale éclairée
L’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes salue cette synergie, tout en rappelant que l’accès à l’eau potable est un droit humain indispensable à la santé maternelle. La réduction des distances d’approvisionnement diminue également les risques d’agressions souvent signalés sur les chemins isolés.
Le gouvernement, par la voix du Comité interministériel de gestion des crises sanitaires, a confirmé la disponibilité de stocks de réhydratation orale, d’antibiotiques et de kits d’hygiène. Les actions de retraitement de l’eau de surface se poursuivent dans les districts touchés et leurs zones d’influence.
Pour le sociologue Guy-Noël Mouangou, « la récurrence des flambées cholériques rappelle que l’urbanisation rapide doit s’accompagner d’investissements structurels dans l’assainissement ». Selon lui, la responsabilité sociale des entreprises peut pallier l’urgence, mais seule une politique hydraulique systémique atténuera durablement la vulnérabilité des ménages.
Construire la résilience hydrique, priorité nationale
Dans les districts fluviaux, la pirogue-clinique mise à disposition par l’UNFPA sillonne désormais les villages pour dispenser soins prénatals et messages d’hygiène. Les sages-femmes embarquées observent une baisse des complications obstétricales dès lors que l’eau traitée est régulièrement distribuée aux parturientes et nourrissons.
Les organisations féminines locales ont, pour leur part, lancé des radios communautaires mobiles afin de diffuser des conseils simples : faire bouillir l’eau, chlorer les récipients, respecter la chaîne du froid alimentaire. La transmission orale dans la langue vernaculaire favorise l’appropriation des gestes barrières.
À Brazzaville, les autorités municipales étudient la création de bornes-fontaines temporaires alimentées par camions-citernes. Cette mesure, déjà expérimentée pendant la pandémie de Covid-19, vise à soulager les quartiers densément peuplés où les forages communautaires arrivent à saturation durant les heures de pointe matinale.
La crise actuelle réaffirme l’importance du nexus eau-santé-genre inscrit dans le Plan national de développement 2022-2026. L’engagement conjoint des pouvoirs publics, du secteur privé et de la société civile constitue un levier de résilience, tout en promouvant l’égalité d’accès pour chaque citoyenne.
Tandis que les indicateurs montrent un ralentissement des contaminations, la vigilance reste de rigueur. En associant actions immédiates, investissements durables et approche sensible au genre, le Congo renforce son arsenal de santé publique et s’engage à protéger les femmes contre les conséquences inéquitables du choléra.
Perspective météorologique et risques futurs
Les prochains mois seront décisifs : si les pluies précoces surviennent, elles pourraient diluer les foyers bactériens mais aussi provoquer des débordements d’eaux usées dans les périphéries urbaines.