Alarme récurrente dans les collèges de Dolisie
Dans la nuit du 20 août, l’équipe de permanence du CEG Pierre Lountala a découvert des portes fracturées, des tiroirs renversés et des documents dispersés. Aucune valeur n’a été emportée, mais la scène a relancé les inquiétudes sur la sécurité scolaire à Dolisie.
Le chef d’établissement, Ludovic Maxime Maboulou, évoque une intrusion mystérieuse: «Ils ont tout fouillé sans rien prendre. Peut-être cherchaient-ils des dossiers sensibles». Deux autres collèges, Hammar et Unité, avaient déjà subi des incursions similaires la semaine précédente.
Ces événements, sans pertes matérielles majeures, interrogent sur une possible quête d’informations plutôt que de butin. Pour de nombreuses familles, la question centrale reste cependant le sentiment de vulnérabilité ressenti par élèves et personnels, particulièrement les adolescentes.
Enjeux sociétaux et genre
Dans la ville surnommée capitale de l’or vert, 52% des collégiennes interrogées par l’ONCVF disent craindre les trajets scolaires après la tombée de la nuit. Les séries d’effractions récentes renforcent un climat d’angoisse qui pèse déjà sur leur scolarité.
La sociologue Agnès Massala rappelle que l’insécurité, même lorsqu’elle n’implique pas de violences physiques directes, produit un effet dissuasif sur les filles, souvent sommées par les familles de rentrer plus tôt ou d’éviter certaines activités parascolaires.
À long terme, préviennent les spécialistes, la réduction des espaces de socialisation féminine peut aggraver les inégalités de genre en limitant le réseau d’entraide, la confiance en soi et l’accès aux filières scientifiques déjà sous-représentées.
Témoignages croisés d’enseignants et parents
Henriette Bouiti, parent d’élève au CEG Hammar, confie qu’elle accompagne désormais sa fille jusque devant la grille: «Nous travaillons sur le marché jusqu’à tard, mais la peur est nouvelle. Les rumeurs parlent de recherches de fiches de notes».
Du côté des enseignants, le sentiment oscille entre lassitude et détermination. «Nous refusons de fermer les établissements, l’éducation est un droit», résume un professeur de sciences, tout en réclamant davantage d’éclairage public et des rondes policières plus visibles.
Interrogé, le commissariat de Tahiti souligne que des patrouilles nocturnes sont déjà opérationnelles et que l’enquête demeure ouverte. Les agents disent privilégier une approche de proximité pour rassurer les riverains tout en collectant discrètement des indices.
Réponses institutionnelles et communautaires
La direction départementale de l’enseignement général annonce la création d’un comité participatif associant autorités locales, parents d’élèves et organisations de femmes pour cartographier les zones à risque et mutualiser les alertes.
Plusieurs ONG, dont Caritas et l’ONCVF, préparent des séances de sensibilisation axées sur la sécurisation des archives scolaires et la prévention des violences basées sur le genre, comme cela a déjà été expérimenté à Pointe-Noire avec des résultats encourageants.
Certaines communes envisagent de recourir aux comités de veille de quartier. Ce modèle, inspiré des cellules d’alerte sanitaire, confie à des bénévoles la tâche de signaler toute présence suspecte aux forces de l’ordre via une ligne téléphonique directe.
Pistes d’action pour une sécurité inclusive
Les experts en criminologie scolaire recommandent l’aménagement de clôtures modulaires renforcées par des éclairages solaires, solution peu coûteuse et adaptée aux coupures d’énergie. Ils insistent aussi sur les caméras communautaires gérées par les associations de parents pour plus de transparence.
Sur le plan éducatif, la psychologue scolaire Clarisse Tchibota encourage la mise en place de clubs de vigilance où filles et garçons discutent des risques et élaborent des chartes de conduite, afin de nourrir une culture de protection partagée.
La mobilisation des médias locaux est également jugée cruciale. Une information factuelle, non sensationnaliste, peut empêcher la circulation de rumeurs anxiogènes tout en rappelant les numéros d’urgence et les droits fondamentaux des élèves, notamment des jeunes femmes.
À Dolisie, plusieurs entreprises forestières se disent prêtes à parrainer des programmes de sécurisation, reflet d’une responsabilité sociale accrue. Selon la chambre de commerce, l’investissement envisagé pourrait atteindre dix millions de francs CFA sur deux ans.
Ces engagements publics et privés s’inscrivent dans la dynamique nationale de modernisation du système éducatif, soutenue par le ministère de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’Alphabétisation, laquelle vise à créer des écoles sûres et inclusives.
Pour les parents comme pour les autorités, l’enjeu dépasse la simple protection des murs: il s’agit de garantir la continuité pédagogique et l’égalité d’accès, conditions indispensables à l’autonomisation future des jeunes filles du Niari.
Les chercheurs de l’Université Marien-Ngouabi rappellent que la sécurisation des écoles est d’autant plus efficace qu’elle s’accompagne d’une collecte régulière de données. Ils proposent un tableau de bord mensuel recensant incidents, réponses et impacts sur la fréquentation des filles.
À moyen terme, l’objectif partagé est de transformer chaque collège en pôle d’excellence où régnera la sérénité. Comme le souligne la conseillère municipale Gisèle Ngatsé : «La confiance est le premier outil pédagogique; sans elle, aucune ambition éducative ne peut s’épanouir».
La rentrée de septembre sera donc un test majeur. Parents, enseignants et forces de l’ordre savent qu’un environnement rassurant reste la clé d’une réussite scolaire inclusive.