Cuisson propre à Pointe-Noire : adoption en marche
The fumée des braises imprègne encore de nombreux foyers congolais. À Pointe-Noire, une centaine de femmes leaders communautaires venues également de certains quartiers de Brazzaville ont découvert le foyer amélioré Congo-mboté, vitrine du projet Lituka, lors d’une séance culinaire organisée par Initiative Développement début août.
Selon les données du ministère de l’Économie forestière, 81% des ménages cuisinent au bois ou au charbon. Cette dépendance pèse lourdement sur les forêts côtières et expose surtout les femmes à des fumées nocives, responsables de maladies respiratoires récurrentes.
Face à ce constat, les ingénieurs d’Initiative Développement ont conçu un appareil métallique à double foyer, capable d’utiliser bois ou charbon avec un rendement thermique supérieur de 40 %. Un kilo de combustible suffit souvent à faire bouillir deux marmites, attestent les cheffes cuisinières mobilisées.
Le nom « Congo-mboté » rappelle l’amabilité congolaise. Dans les stands montés près du marché de Loandjili, l’odeur du foufou a remplacé la fumée. Le public a remarqué la flamme bleutée, signe d’une combustion complète, gage de moindres émissions de particules fines.
Impacts mesurés sur la santé et l’économie familiale
Une évaluation rapide menée par les techniciennes d’ID montre une réduction de 60 % des dépenses en charbon dans les ménages pilotes. À Mvou-Mvou, une vendeuse de beignets affirme économiser l’équivalent de 15 000 francs CFA par mois depuis l’adoption du foyer.
L’avantage sanitaire est tout aussi tangible. Le Centre hospitalier de Tié-Tié rapporte une baisse des cas d’irritations oculaires chez les utilisatrices ayant remplacé les foyers ouverts. Les pédiatres y voient une contribution indirecte à la lutte contre les infections aiguës des voies respiratoires.
Sur le plan environnemental, l’université Marien-Ngouabi évalue à 2,5 tonnes le bois économisé annuellement par foyer. Rapporté aux 10 000 unités que prévoit Lituka d’ici 2026, l’impact potentiel équivaut à la préservation de près de 1 000 hectares de forêts secondaires.
Ces chiffres rejoignent les estimations du programme Initiative pour la forêt d’Afrique centrale, financeur principal. L’institution souligne qu’en diminuant la pression sur la ressource ligneuse, le Congo consolide ses engagements internationaux relatifs à l’Accord de Paris tout en améliorant le quotidien des ménages. Elles nourriront le suivi MRV demandé.
Lituka, un projet porté par l’État et ses partenaires
Lancé fin 2023, Lituka procède d’une collaboration étroite entre le ministère de l’Économie forestière, ID et les collectivités locales. Le coordonnateur national, Jean-Pierre Mampouya, rappelle que l’objectif n’est pas seulement de distribuer des appareils, mais de créer un marché autonome du foyer amélioré sur l’ensemble du territoire national.
Pour atteindre cette ambition, des ateliers de formation ont été ouverts à Pointe-Noire et Brazzaville. Vingt artisans soudeurs y apprennent à produire des Congo-mboté normalisés. L’approche encourage l’emploi local et réduit les coûts logistiques, gage d’un prix final accessible aux ménages modestes.
Le projet mise aussi sur le réseau d’associations féminines. Les présidentes de mutuelles servent de relais pour sensibiliser, recueillir les retours d’usage et faciliter l’échelonnage des paiements. « Notre rôle est d’écouter les femmes et d’adapter la diffusion à leurs contraintes », insiste l’animatrice Rosine Loukaka.
Parallèlement, la Société nationale de distribution d’eau et d’électricité expérimente un tarif préférentiel pour les ménages équipés d’un Congo-mboté, considérant que les économies de combustible atténuent la demande en bois-énergie. Cette synergie institutionnelle illustre l’articulation d’une politique publique inclusive et multisectorielle.
Défis restants et perspectives d’ici 2026
Si la démonstration culinaire a convaincu, certains freins subsistent. Le coût initial, environ 15 000 francs, reste élevé pour les ménages à très faibles revenus. Lituka envisage des microcrédits solidaires via les mutuelles et négocie une exonération temporaire des taxes sur le métal recyclé, mesure saluée localement.
La durabilité de l’appareil doit aussi être vérifiée. Des tests de laboratoire planifiés par l’Agence congolaise de normalisation contrôleront la résistance des soudures après 5 000 cycles d’allumage. Les résultats orienteront d’éventuelles améliorations techniques pour prolonger la durée de vie au-delà de trois ans.
D’un point de vue sociologique, l’adoption demeure un processus social autant que technologique. Les chercheurs rappellent que la cuisson est un acte identitaire. L’équipe de Lituka intégrera donc des ateliers de recettes traditionnelles adaptées au Congo-mboté, afin de lever les réticences culturelles persistantes.
En dépit de ces défis, la dynamique semble lancée. Le maire de Pointe-Noire a annoncé la création d’une « semaine de la cuisson propre » en 2025. Cette vitrine annuelle pourrait accélérer la demande et positionner le Congo comme référence sous-régionale de l’innovation culinaire durable.
Moins de fumée, plus d’économies et un geste pour la forêt : le Congo-mboté incarne une transition énergétique à taille humaine. Pour Chantal Ngové, usagère pionnière, « le feu change, mais le goût reste ». Une phrase qui résume l’espoir partagé par ses voisines.