Mbanza-Ngungu célèbre son patrimoine
Sous un ciel clair, le site historique de Ndombasi s’est transformé en agora culturelle. Le week-end a vu converger vers Mbanza-Ngungu une mosaïque d’artistes, de gourmets et de curieux venus apprécier la première édition du Festival Nzola, dédiée à la créativité du Kongo-Central.
La scène principale, soigneusement dressée entre les palmiers, a accueilli des performances traversant les registres du chant ancestral au jazz urbain. Les effluves d’épices locales se mêlaient aux riffs de guitare, rappelant que la gastronomie kongo est un art à part entière, aussi stratégique que la musique pour l’attractivité touristique.
Des représentants des autorités provinciales et nationales, dont plusieurs femmes administratrices récemment nommées, ont salué l’initiative. Leur présence a donné un signal fort : culture et développement peuvent avancer de concert lorsque les institutions soutiennent les entrepreneurs créatifs.
Au-delà du divertissement, les organisateurs ont défendu l’idée d’un festival fédérateur, pensé comme laboratoire d’échanges économiques. L’événement, gratuit pour le public, a offert aux artisans l’opportunité d’exposer leurs savoir-faire et de tisser des réseaux durables avec des partenaires venus de toute la région.
Djoson Philosophe, voix de l’unité kongo
Dans la fraîcheur nocturne du 16 août, Djoson Philosophe et son orchestre Super Nkolo Mboka ont investi la scène. Le chanteur originaire de Brazzaville a livré un set très maîtrisé, porté par des chœurs féminins dont les timbres ont rappelé la force des polyphonies kongo.
À l’issue du concert, le jury a dévoilé le lauréat du tout premier Prix Pool Malebo. L’ovation populaire a précédé l’annonce : Djoson Philosophe l’emportait pour l’originalité des arrangements et la portée interculturelle de ses textes, ponts naturels entre les rives du fleuve.
« On ressent ici une énergie presque alpine », s’est-il étonné, évoquant l’altitude de Mbanza-Ngungu, perchée à 785 mètres. Pour l’artiste, ce climat singulier nourrit la création et rappelle la rigueur des scènes européennes qu’il fréquente depuis plusieurs années.
Il a surtout vu dans ce trophée la reconnaissance d’un héritage partagé. « Recevoir ce prix, c’est saluer la maîtrise des fils et filles du Kongo, de Brazzaville à Kinshasa et jusqu’en Angola », a-t-il confié au Courrier de Kinshasa, insistant sur la transversalité culturelle que son œuvre revendique.
Le Prix Pool Malebo, symbole transfrontalier
Baptisé d’après l’élargissement majestueux du fleuve Congo qui borde les deux capitales, le Prix Pool Malebo se veut une passerelle. Il rappelle que les mouvements d’eau ignorent les frontières administratives, tout comme les rythmes de rumba se jouent des barrières linguistiques.
En décernant cette distinction à un artiste brazzavillois sur un sol congolais de l’ouest, les organisateurs ont posé un geste diplomatique implicite. La culture, affirment-ils, peut renforcer les relations amicales et commerciales entre États voisins sans discours protocolaires.
Les chercheurs en sociologie culturelle parlent de « soft power » régional : la diffusion d’images positives fondées sur un patrimoine commun. Dans ce cadre, la musique agit comme un capital symbolique appréciable, susceptible d’attirer investissement, coopération et tourisme.
Le Pool Malebo récompense donc plus qu’un talent individuel ; il consacre un récit partagé. Sa portée résonne dans les studios de Kinshasa, à Pointe-Noire ou au nord de l’Angola, où de jeunes artistes rêvent déjà d’inscrire leur nom à la prochaine édition.
Retombées socio-culturelles pour les artistes
Les festivals sont des incubateurs économiques autant que des scènes. À Mbanza-Ngungu, les hôteliers affichent un taux d’occupation inédit durant la semaine de préparation, signe que les industries créatives génèrent de la valeur ajoutée locale.
Pour les musiciens, la visibilité obtenue équivaut parfois à des mois de promotion traditionnelle. Des conventions d’engagement ont été signées sur place avec des programmateurs étrangers, démontrant que la province du Kongo-Central peut servir de tremplin continental.
Les artisans, vendeuses de pagnes ou torréfacteurs de café ont aussi bénéficié du flux de visiteurs. En choisissant d’allouer des stands à prix modéré, la direction du festival a facilité l’auto-entrepreneuriat, en particulier parmi les femmes dont les micro-entreprises constituent un pilier de l’économie informelle.
Festivals et empowerment des femmes
Si l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes suit d’abord les indicateurs de sécurité, il s’intéresse aussi aux espaces où les femmes peuvent s’exprimer librement. Nzola en fait partie : près de 45 % des artistes programmés et deux membres du comité d’organisation étaient des femmes.
Le leadership féminin a notamment porté sur la gestion de la logistique et de la communication, domaines souvent réservés aux hommes. Leur réussite valide l’importance de quotas volontaires et d’un accompagnement technique pour que les compétences féminines soient reconnues à pleine valeur.
En clôture, la chanteuse Nzuzi Ciel a rappelé que « la culture reste une arme douce pour faire reculer les inégalités ». Son appel à multiplier les formations en management culturel pour les jeunes femmes a reçu l’appui du gouvernorat, preuve qu’un événement festif peut aussi faire avancer l’agenda de l’égalité.