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Jeunesse congolaise et économie numérique

L’économie digitale s’impose progressivement comme un levier décisif pour la jeunesse congolaise, selon les promoteurs du Forum international de la jeunesse africaine pour le développement de l’Afrique, Fijada. Réunion après réunion, leur message gagne en écho jusque dans les couloirs institutionnels de Brazzaville.

Le 27 août, le représentant pays, Daniel Biangoud, accompagné de son mentor José Cyr Ebina, a détaillé une stratégie qui convertit la créativité des réseaux sociaux en source de revenus, un horizon particulièrement attrayant pour les jeunes souvent confrontés au sous-emploi.

Reçus successivement par le secrétaire exécutif du Conseil consultatif de la jeunesse, Prince Michrist Kaba Mboko, puis par le ministre de l’Économie numérique, Léon Juste Ibombo, les porteurs du projet ont plaidé pour une collaboration étroite entre pouvoirs publics et innovation citoyenne.

Dialogue entre innovateurs et autorités

« Nous demeurons indépendants, mais notre ambition est de porter, dans la même direction que l’État, une vision d’une jeunesse unie et active », a rappelé Daniel Biangoud, insistant sur l’importance d’accéder aux multiples opportunités financières liées à l’internet.

Pour le ministre Ibombo, ce type d’initiative illustre la vitalité d’une génération en quête d’innovation. Le gouvernement, assure-t-il, continuera à créer les conditions propices à l’émergence de talents capables de valoriser l’identité congolaise à travers des solutions numériques adaptées.

Des enseignements tirés de Kinshasa

La rencontre brazzavilloise faisait écho aux assises de Kinshasa, tenues sous le thème « Créer un avenir durable : l’engagement de la jeunesse pour la planète » lors de la Journée mondiale de la jeunesse. Là-bas, l’accent avait déjà été mis sur l’inclusion digitale.

À Brazzaville, le président du forum, Jonathan Masuta Lumeya, a restitué les recommandations issues de cette session, soulignant la nécessité de programmes de sensibilisation et de formation pour permettre aux jeunes, filles et garçons, de saisir les chances offertes par l’économie numérique.

Inclusion numérique des jeunes femmes

Les données de l’Union internationale des télécommunications indiquent que les femmes restent, à l’échelle mondiale, 12 % moins connectées que les hommes. Le Fijada souhaite inverser cette tendance au Congo en ciblant spécifiquement les jeunes femmes des zones périurbaines.

Sur le terrain, de petites communautés pilotes expérimentent déjà des ateliers d’éducation financière, de codage et de marketing d’influence. Plusieurs participantes témoignent de revenus complémentaires générés via la vente de produits artisanaux sur les réseaux, un progrès modeste mais tangible pour l’autonomie économique.

La sociologue Agnès Motando observe que l’économie digitale reconfigure les rapports sociaux de genre en redéfinissant les espaces de production. « Le smartphone devient l’outil de travail de jeunes mères qui, hier, restaient éloignées du marché du travail formel », explique-t-elle.

Défis d’infrastructure et d’accompagnement

Cependant, la fracture d’accès perdure entre zones urbaines et localités reculées, où la couverture réseau demeure irrégulière. Les initiateurs du projet envisagent donc des partenariats avec les opérateurs pour renforcer les points Wi-Fi communautaires et abaisser le coût des données mobiles.

Le Conseil consultatif de la jeunesse étudie déjà un mécanisme d’incubation permettant d’accompagner les lauréats du Fijada. L’idée consiste à octroyer de petites subventions et un mentorat de six mois pour transformer un simple compte de réseau social en micro-entreprise viable.

Pour les défenseures des droits des femmes, la clé réside dans l’intégration de modules sur la sécurité numérique et la cyber-violence. Les espaces virtuels reproduisent parfois les discriminations hors-ligne, soulignent-elles, et peuvent devenir un lieu d’hostilité si les utilisatrices ne sont pas formées.

Croissance inclusive et sécurité en ligne

Le Fijada répond partiellement à cette préoccupation en prévoyant des séances de sensibilisation sur la protection des données personnelles et le respect de la vie privée, démarche jugée indispensable pour instaurer la confiance et encourager une participation féminine soutenue.

D’un point de vue économique, la Banque mondiale estime qu’une augmentation de 10 % du taux de pénétration de l’internet dans les pays africains pourrait générer jusqu’à 1,5 % de croissance supplémentaire du PIB, un argument régulièrement invoqué lors des ateliers du forum.

Au-delà des chiffres, plusieurs mères entrepreneures rencontrées à Makélékélé décrivent un sentiment de dignité retrouvé grâce aux ventes en ligne. Le numérique, notent-elles, libère du temps et réduit les contraintes de mobilité liées aux responsabilités familiales.

Vers un cadre incitatif durable

Les observateurs soulignent toutefois la nécessité d’un cadre fiscal incitatif pour les micro-entreprises digitales. Faute de règles adaptées, certaines initiatives restent informelles, limitant l’accès au crédit et à la protection sociale pour les jeunes travailleuses du secteur.

Interrogé sur la suite, Léon Juste Ibombo mentionne la préparation d’un projet de loi visant à faciliter les paiements électroniques et à sécuriser les transactions, un dispositif qui devrait, affirme-t-il, consolider la confiance et attirer des partenaires internationaux.

En articulant soutien institutionnel, innovation sociale et perspective de genre, le Fijada démontre qu’une économie digitale inclusive peut devenir l’un des moteurs du développement durable au Congo. Reste à transformer l’essai pour que chaque jeune Congolaise devienne actrice d’un avenir numérique partagé.