Contexte électoral à l’horizon 2026
À Brazzaville, les banderoles rouges et jaunes annonçant la révision des listes électorales rythment les artères depuis le 1er septembre. L’opération, qui court jusqu’au 30 octobre, constitue le prélude technique à la présidentielle de mars 2026, étape cruciale du calendrier républicain.
Au-delà du rite administratif, cette séquence réactive la question de la participation féminine. Les femmes représentaient environ 52 % du corps électoral en 2021, mais leur influence réelle sur l’issue des scrutins demeure, selon plusieurs études nationales, nettement en deçà de ce potentiel démographique.
L’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes examine donc l’opération de révision sous l’angle des droits civiques. Son objectif est clair : garantir que chaque femme en âge de voter puisse vérifier, corriger ou inscrire son identité, sans obstacles sociaux, économiques ou culturels.
Premiers signaux de participation
Dans les quartiers populaires de Makélékélé, Marie-Lydie, infirmière de trente-deux ans, consulte déjà les panneaux d’affichage. « Je veux m’assurer que mon nom y figure avant d’aller de garde », confie-t-elle. Son attitude illustre un regain d’attention citoyenne souvent plus prononcé chez les femmes urbaines.
Le maire Laurent Edgard Bassoukissa, qui préside la commission locale, affirme avoir « tout mis en place pour informer les populations par mégaphone ». Selon lui, la mobilisation des cheffes de quartier renforce la confiance : ces relais féminins convertissent la communication institutionnelle en messages ancrés dans le quotidien.
Dans la mairie de Bacongo, deux agents insistent sur la nécessité d’inscrire « le nom de chaque citoyen ». Le terme générique masque pourtant des disparités. Les données communales de 2021 montraient un taux d’inscription féminin inférieur de quatre points, surtout chez les jeunes et les travailleuses informelles.
Obstacles structurels et réponses institutionnelles
L’accessibilité géographique figure parmi les premiers freins. Plusieurs villages périphériques requièrent plus d’une heure de déplacement jusqu’au bureau d’affichage le plus proche. La Direction générale des affaires électorales annonce le déploiement de brigades mobiles, mais leur calendrier reste, pour l’instant, peu détaillé publiquement.
À ces contraintes s’ajoutent les obligations familiales. Souvent responsables des courses et de l’éducation des enfants, les femmes ont des fenêtres temporelles réduites. Le ministère de la Promotion de la femme prône l’installation d’horaires élargis, incluant les soirées et certains dimanches, afin de pallier cette réalité.
Sur le plan documentaire, l’obtention de la carte nationale d’identité demeure une étape sensible : frais administratifs, lenteurs, éloignement des guichets. Une campagne conjointe entre l’Agence nationale de l’état civil et des organisations féminines propose actuellement des exemptions de frais pour les dossiers déposés par des ménages à faible revenu.
Témoignages de terrain : des voix de femmes
À Ouenzé, Clarisse, vendeuse de légumes, se souvient d’avoir été radiée en 2021 pour homonymie. « On m’a confondue avec une défunte de Mpouya », rapporte-t-elle. Elle espère que la révision actuelle corrigera ce flou, afin de « ne plus voter par procuration involontaire ».
Dans le district rural d’Ignié, Pauline, agricultrice, évoque l’importance des radios communautaires. « C’est par la FM que j’ai appris qu’un agent mobile devait passer au marché », explique-t-elle. Sans cette alerte, elle aurait ignoré la procédure, la saison de semis mobilisant déjà ses journées.
Les associations de jeunes filles scolarisées insistent, pour leur part, sur la dimension pédagogique. Ateliers de simulation, capsules vidéo en lingala ou en kituba, jeux-concours : autant de formats qui rendent lisible une démarche souvent perçue comme aride et absconse par les primo-inscrites.
Perspectives des experts en sociologie politique
Pour la sociologue Joséphine Moussounda, « l’acte d’inscription est un baromètre de la capacité d’agir ». Elle souligne que l’appropriation des listes par les femmes favorise ensuite leur candidature aux postes de délégués de vote, puis, à plus long terme, aux fonctions électives.
L’analyste politique Arsène Ngouabi rappelle toutefois que la révision n’est pas une fin en soi. « Transparence formelle et égalité réelle restent deux registres différents », précise-t-il. Il encourage les partis à investir dans la formation des assesseures afin de traduire l’inscription en influence effective dans les bureaux.
De son côté, la Commission nationale électorale indépendante insiste sur l’importance des observateurs locaux. Selon son dernier rapport, le nombre de femmes accréditées n’atteignait que 18 % en 2021. L’instance prévoit une campagne de sensibilisation pour doubler ce taux avant février 2026.
Importance d’une mobilisation inclusive
La révision des listes électorales offre un terrain concret pour tester la promesse républicaine d’égalité. Plus les femmes s’emparent du processus, plus la présidentielle de 2026 sera perçue comme légitime. L’inclusion n’est donc pas un supplément d’âme, mais le socle d’une cohésion durable.
À six mois de la clôture du dispositif, l’Observatoire poursuivra son monitoring, en lien avec les administrations concernées. Il publiera des bulletins hebdomadaires, mettant en lumière les avancées et les zones d’ombre. L’ambition est simple : donner à chaque électrice congolaise les moyens de sa voix.
Au-delà du scrutin, les données collectées serviront aussi à cartographier les zones où les femmes restent sous-représentées, orientant ensuite les politiques publiques d’alphabétisation civique.