Fima 2024 : le rendez-vous musical attendu
Du 12 au 14 septembre, le Festival international de musique et des arts (Fima) posera sa scène au quartier 418 Makayabou, à Pointe-Noire. Douzième édition, nouvelle promesse : rassembler toutes les générations autour d’une célébration populaire et gratuite, avec la musique comme langage commun.
The Observatoire national congolais des violences faites aux femmes s’y intéresse car chaque grand rassemblement culturel constitue un laboratoire social, où se jouent visibilité, sécurité et droits des femmes. Comment un festival peut-il favoriser l’expression artistique féminine tout en garantissant un espace sûr pour toutes ?
Vers une scène inclusive et paritaire
L’organisateur, Médard Mbongo, affirme viser « une programmation équitable ». Selon lui, au moins quarante pour cent des artistes invités seront des femmes ou des groupes dirigés par des femmes, un chiffre supérieur à la moyenne régionale. Cette orientation s’aligne avec l’Agenda 2030 de l’Union africaine.
Béatrice Ngouabi, sociologue spécialiste du genre, observe que « la visibilité scénique crée un effet d’entraînement : quand une chanteuse s’illustre, des dizaines de jeunes filles se disent que c’est possible ». Le Fima offre ainsi un dispositif d’inspiration collective précieux pour l’empowerment féminin.
Au-delà du casting, l’ONG Mb Production annonce des ateliers dédiés aux techniques de scène, au management et à la distribution digitale. Quinze formatrices congolaises guideront ces sessions. Les participantes recevront un kit pédagogique, étape importante dans un écosystème où l’accès à la formation demeure inégalitaire.
Le numérique, accélérateur d’égalité
Le thème « La musique à l’heure du numérique » s’inscrit dans une dynamique où les plateformes réduisent les barrières d’entrée. Au Congo-Brazzaville, plus de soixante-dix pour cent des créatrices diffusent désormais leurs titres via les réseaux sociaux, d’après une récente enquête de l’Institut national de statistique.
Cependant, la monétisation reste un défi. Le Fima prévoit donc une table ronde sur les droits d’auteur en ligne, avec la Société congolaise du droit de reproduction mécanique. Objectif affiché : guider les artistes, notamment les femmes, vers des modèles économiques viables, transparents et respectueux de leur propriété intellectuelle.
Clarisse Mavoungou, beatmakeuse installée à Dolisie, témoigne : « Je produis depuis mon salon, mais je perds des revenus faute de contrats clairs ». Sa participation aux discussions pourrait ouvrir des collaborations inédites. Le festival ambitionne ainsi de rééquilibrer les chaînes de valeur au profit des créatrices.
Sécurité et liberté de circulation des festivalières
Affluence nocturne, transports saturés, éclairage public irrégulier : ces facteurs renforcent le risque de harcèlement. Consciente de l’enjeu, la préfecture de Pointe-Noire a validé un dispositif de patrouilles mixtes police-gendarmes, et le placement de bornes lumineuses solaires aux abords des principales voies d’accès.
L’organisation a signé un protocole avec l’Observatoire des violences faites aux femmes pour installer un stand d’écoute psychologique et de signalement. Des médiatrices formées en santé sexuelle distribueront des brochures sur le consentement et les recours légaux. Cette approche préventive répond aux standards de la Convention de Maputo.
En parallèle, la compagnie de transport urbain Stpu déploiera des navettes gratuites, priorisant les itinéraires desservant les quartiers périphériques habités majoritairement par des femmes travailleuses. Ces mesures visent à atténuer les disparités territoriales et à garantir le droit fondamental à la mobilité et à la fête.
Témoignages de scènes et retombées espérées
Les concerts réuniront des vétéranes comme Bissana Kadi et des révélations telles que Merveille Voka. « Partager l’affiche avec mes aînées me motive à persévérer », confie Voka. La rencontre intergénérationnelle nourrit une mémoire collective essentielle, notamment dans la transmission des répertoires et des langues nationales.
Sur le plan économique, la Chambre de commerce de Pointe-Noire estime que le Fima génère plus de mille emplois temporaires, dont cinquante-quatre pour cent occupés par des femmes dans la restauration, la logistique et l’artisanat. Ces revenus complémentaires s’avèrent décisifs dans un contexte d’augmentation du coût de la vie.
A terme, l’ONG Mb Production envisage de mesurer l’empreinte carbone du festival et d’y associer des coopératives féminines de recyclage. Cette perspective illustre une conception globale des droits des femmes, intégrant l’autonomie économique et la participation aux politiques environnementales émergentes du pays.
Après la dernière note, quels héritages ?
Le Fima 2024 s’annonce donc comme bien plus qu’une fête. En articulant programmation paritaire, débats sur le numérique et politiques de sécurité, il peut devenir un référentiel national. L’enjeu sera d’inscrire ces avancées dans la durée, en fédérant institutions publiques, acteurs privés et société civile.
Comme le rappelle la juriste Gisèle Bemba, « approcher l’égalité par la culture offre un terrain consensuel et mobilisateur ». Le pari sera tenu si, au-delà des trois soirées, les outils créés pour les musiciennes continuent d’exister, et si chaque spectatrice repart convaincue de sa légitimité.
Pour 2025, les organisateurs envisagent déjà une résidence d’écriture exclusivement féminine, soutenue par le ministère de la Culture. Si cette initiative voit le jour, elle pourrait institutionnaliser le mentorat entre générations de compositrices congolaises et consolider l’exportation de leurs œuvres sur les marchés africains et internationaux dans les prochaines années.