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Un tournoi qui redonne de l’élan au tennis congolais

Durant deux semaines, le Pôle tennis de Brazzaville a vibré au rythme du circuit M25 de l’ITF, un rendez-vous rare qui a offert au public congolais le spectacle d’un tennis de haut niveau et un aperçu des bénéfices sociaux que le sport peut générer.

La victoire finale du Français Florent Bax, arrachée en trois manches au Slovaque Artnak Bor, n’est que l’arbre qui cache une forêt d’enseignements, notamment sur la manière dont un événement international peut stimuler l’agentivité des jeunes Congolaises aspirant à performer raquette en main.

Une finale sous haute tension dramatique

Disputée le 10 août, la finale a duré près de trois heures, offrant une dramaturgie digne des grands tournois. Les 6-3, 6-7, 7-6 inscrits au tableau d’affichage ont gardé la foule en haleine, consolidant l’idée qu’un sport structuré rapproche les communautés.

Dans les gradins, les exclamations collectives, loin d’être anodines, ont produit un effet de cohésion sociale mesurable. Des sociologues locaux voient dans ces moments partagés un creuset où se forge un sentiment d’appartenance national, particulièrement précieux pour les femmes souvent cantonnées à la marge sportive.

Des vocations féminines naissantes

« Je veux servir comme eux », a confié Mireille, élève de Makélékélé, les yeux brillants d’émotion. Son témoignage illustre la capacité performative des modèles sportifs masculins tout en pointant l’urgence de créer des repères féminins, condition indispensable pour élargir le champ des possibles.

En réponse, la Fédération congolaise de tennis promet d’étendre ses stages réservés aux jeunes filles dès la rentrée. Rosine Malanda Thabou, troisième vice-présidente, insiste: « La parité graduelle dans nos effectifs relève d’un impératif collectif, non d’une faveur », propos salués par le public.

Florent Bax, champion et pont culturel

Sacré, Florent Bax n’a pas manqué de souligner la ferveur locale. « Je pense avoir été adopté », a-t-il souri, positionnant malgré lui Brazzaville sur la carte mondiale. Son angle inclusive figure déjà dans ses projets: revenir animer des cliniques d’entraînement mixtes l’an prochain.

Ce discours rejoint la stratégie nationale de diplomatie sportive, conçue pour accroître le capital symbolique du Congo-Brazzaville sans opposer modèles masculins et féminins. L’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes y voit une opportunité d’encourager des parcours sécurisés pour les athlètes féminines.

Fécoten, académie et logistique d’excellence

La Fécoten et l’Académie locale ont mobilisé une cinquantaine d’athlètes de plus de vingt pays, confirmant leur savoir-faire logistique. Au-delà de la performance, ce rassemblement valide l’idée qu’un événement sport-études peut devenir une plate-forme d’échanges interculturels, favorable à la circulation de normes d’égalité.

« Nos protocoles anti-harcèlement s’appliquent à tous les staffs », affirme la directrice de l’Académie, Ghislaine Oba. Pour l’Observatoire, cette vigilance institutionnelle contribue à prévenir les violences de genre souvent observées dans des environnements de haute compétition, étape cruciale vers un espace sportif serein.

Femmes et équipement : combler l’écart

Les statistiques nationales révèlent pourtant que moins de 15 % des licenciés de tennis sont des femmes. L’enjeu réside donc dans la mise à disposition d’équipements sécurisés, de créneaux horaires adaptés et de campagnes de sensibilisation conciliant exigences culturelles et principes universels d’équité.

Des anthropologues telles que Dr Wendy Mankoto rappellent que l’accès au sport renforce la capacité de négociation des jeunes filles dans leur propre famille, réduisant ainsi les risques de mariage précoce. Le tennis, par son exigence technique, constitue un laboratoire particulièrement pertinent pour cette autonomisation.

Politiques publiques et développement humain

En filigrane, le tournoi illustre la dialectique entre pratiques sportives et politiques publiques. L’État, partenaire logistique via le ministère des Sports, promeut l’idée que le développement humain passe aussi par l’exercice physique encadré, vecteur d’employabilité et de bien-être pour les hommes comme pour les femmes.

Le programme national Génération Terre de Jeux prévoit d’ailleurs des bourses mixtes pour les meilleurs espoirs, initiative saluée par les observateurs internationaux. En renforçant la filière tennis, les autorités entendent donc consolider un capital sportif susceptible de rayonner sans opposer identité nationale et ouverture.

Perspectives d’un centre d’excellence féminin

Pour maintenir l’élan, plusieurs acteurs plaident pour la création d’un centre d’excellence féminin adossé au Pôle tennis. L’idée consisterait à offrir un internat sécurisé, des entraîneurs certifiés et un suivi médical adapté, afin de transformer l’essai symbolique en victoire structurelle.

À l’orée de la prochaine édition, Brazzaville mesure donc le potentiel multiplicateur d’un simple coup de raquette. Si la dynamique inclusive se confirme, le M25 pourrait devenir un laboratoire d’équité, montrant qu’un service gagnant peut aussi pousser la société vers davantage de justice.

Regards internationaux sur la trajectoire congolaise

Présent à Brazzaville, l’observateur technique de l’ITF, l’Espagnol Ramon López, a salué « une organisation proche des standards de Wimbledon ». Selon lui, l’indicateur de succès résidera dans la progression des inscriptions féminines lors des prochains tournois satellites africains.

De son côté, la Commission UNESCO pour l’Afrique centrale envisage de soutenir des ateliers sur l’intégrité sportive et la prévention des violences basées sur le genre. L’objectif affiché consiste à garantir que la montée en puissance du tennis congolais s’accompagne d’une culture de respect.