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Contexte national de la réforme

Les 27 et 28 août, un hôtel de Brazzaville a réuni économistes, juristes et acteurs civiques autour d’un atelier axé sur une problématique cruciale : protéger l’argent public congolais par une réforme ambitieuse de la commande publique.

La réponse emprunte aujourd’hui la voie d’une matrice d’indicateurs, document technique mais décisif, élaboré dans le cadre du Programme accélérer la gouvernance institutionnelle et les réformes, le Pagir, avec l’appui méthodologique de l’Autorité de régulation des marchés publics et le soutien de la Banque mondiale.

Selon Antoine Ngakosso, conseiller économique auprès du ministre d’État, « la matrice fournira un thermomètre objectif pour mesurer notre performance et orienter les réformes prioritaires ». L’enjeu dépasse la technicité : il s’agit de garantir que chaque franc décaissé serve réellement aux citoyennes et citoyens.

Quatre piliers du système transparent

Le document s’articule autour de quatre piliers : cadre législatif, cadre institutionnel, pratiques d’acquisition, responsabilité et transparence. Chacun comporte des indicateurs précis, inspirés de la méthodologie internationale MAPS, afin de comparer le système congolais aux standards reconnus à l’échelle africaine et mondiale.

Pour les observatrices de la société civile, la transparence n’est pas une fin en soi. « Une commande publique saine signifie des centres de santé approvisionnés, des écoles équipées et des routes sûres pour les femmes marchandes », rappelle Marlène Yibelé, sociologue de l’Observatoire congolais des violences faites aux femmes.

Le Pagir, lancé en 2022, inscrit cette démarche dans une logique de long terme. Les ateliers de Brazzaville scellent une étape charnière : il s’agit désormais de valider internationalement la matrice avant d’engager les ajustements réglementaires attendus par les opérateurs économiques et les partenaires techniques.

Impact économique et social pour les femmes

Concrètement, le futur dispositif vise à centraliser numériquement les appels d’offres, raccourcir les délais d’attribution et publier systématiquement les résultats. Une telle visibilité décourage les pratiques opaques qui, historiquement, reléguaient souvent les entreprises dirigées par des femmes à la périphérie des grands contrats publics.

Les représentantes du secteur privé, réunies au sein de l’Association des femmes entrepreneures du Congo, saluent l’initiative. Elles y voient une opportunité d’élargir l’accès des PME féminines aux chantiers publics, pour peu que l’accompagnement financier et la formation aux procédures soient également renforcés dans les mois à venir.

L’Autorité de régulation des marchés publics, créée en 2009, veut jouer un rôle moteur. Son directeur rappelle que la loi permet déjà des sanctions pour favoritisme, mais admet que « le contrôle ex-post ne suffit plus ; la prévention par la publication en ligne est aujourd’hui indispensable ».

Apport des partenaires et ministères

La Banque mondiale, partenaire du programme, évoque un investissement rentable. Ses experts estiment qu’une augmentation de 10 % de la transparence peut générer jusqu’à 1 % d’économies budgétaires, soit plusieurs milliards de francs CFA réorientables vers des politiques de protection sociale ciblées, notamment celles dédiées aux femmes rurales.

Du côté des ministères sectoriels, la Santé et l’Enseignement primaire se disent intéressés. Leurs responsables voient dans la grille d’évaluation un moyen d’accélérer la livraison d’équipements essentiels, comme les kits obstétricaux ou les manuels scolaires, dont la pénurie touche d’abord les zones périphériques et les jeunes filles.

Une fois la matrice MAPS validée, le Congo-Brazzaville rejoindra le cercle des pays africains dont les procédures répondent aux critères internationaux. Cette reconnaissance pèsera lors des négociations de financements climatiques ou de partenariats industriels, domaines où la traçabilité des fonds reste une exigence précontractuelle.

Enjeux futurs et promesse sociale

Dans les couloirs de l’atelier, certains participants évoquaient déjà la prochaine étape : l’intégration d’objectifs sociaux dans les appels d’offres, par exemple un quota de main-d’œuvre féminine ou des clauses anti-harcèlement sur les chantiers. Le débat, encore informel, montre que la réforme ouvre aussi un chantier culturel.

Interrogée à ce sujet, la juriste Clarisse Mabiala insiste sur la nécessité d’un suivi genre. « Les données sexospécifiques doivent devenir un critère de performance. On ne peut plus parler de bonne gouvernance sans mesurer l’impact différencié des dépenses sur les hommes et les femmes », précise-t-elle, plaidant pour un reporting semestriel.

Alors que la phase pilote s’achèvera en décembre, les acteurs s’accordent sur un point : la réussite dépendra de la collaboration continue entre État, secteur privé et société civile. Chacun devra maintenir la pression pour que les engagements sortent des documents officiels et épousent la réalité quotidienne des ménages.

À terme, une gestion plus rigoureuse des marchés publics pourrait libérer des ressources cruciales pour les programmes de lutte contre les violences basées sur le genre, l’autonomisation économique des femmes et l’éducation des filles. La matrice d’indicateurs n’est donc pas qu’un outil technique : elle porte une promesse sociale.