Un geste qui transcende le sport
Il est des gestes qui résonnent bien au-delà d’un terrain de football. En offrant des ballons, des maillots et des filets au village d’Oubouesse, le Professeur Jean de Dieu Bolzer Nzila rappelle qu’un simple équipement peut devenir catalyseur d’espoir collectif.
Le don est intervenu lors d’une cérémonie sobre, organisée à la lisière des fougères du Niari. Jeunes, aînés et autorités locales ont accueilli le carton de ballons comme un totem annonçant des tournois animés et, surtout, des soirées communautaires plus apaisées.
Football et construction sociale locale
Dans cette zone rurale, l’infrastructure sportive restait limitée à une clairière bosselée et deux poteaux en bois. Le nouvel équipement change la donne : les adolescents peuvent désormais jouer sans craindre l’usure prématurée du matériel ou les interruptions d’une saison des pluies imprévisible.
Plus encore, la pratique régulière du football est identifiée par les sociologues locaux comme une réponse crédible aux tensions intergénérationnelles. « Le ballon redonne un langage commun », observe la chercheuse Clarisse Mabiala, membre de l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes.
Les jeunes femmes dans la mêlée
Si le village associe historiquement le football aux garçons, les nouvelles tenues sont arrivées en tailles mixtes. Les capitaines féminines du club scolaire y voient une véritable invitation. « Nous aurons enfin des maillots adaptés », se réjouit Aminata, avant-centre de quinze ans.
Une récente enquête du ministère des Sports révèle que moins de 18 % des jeunes filles rurales pratiquent une activité physique régulière. Le matériel offert pourrait faire évoluer cette statistique, en démontrant qu’une pelouse improvisée peut aussi devenir un espace d’autonomisation pour les adolescentes.
La pratique sportive favorise la confiance en soi, condition préalable à l’exercice effectif des droits. Dans une région où le mariage précoce demeure fréquent, la constitution d’équipes féminines renforce la visibilité des filles dans l’espace public et ouvre symboliquement le terrain à d’autres formes de participation citoyenne.
Mémoire et transmission familiale
Le choix du jour n’est pas anodin. La remise s’est tenue pendant l’élévation de la pierre tombale du chef traditionnel Joseph Nzila Lipouma, patriarche respecté d’Oubouesse. La générosité du professeur s’inscrit ainsi dans une continuité familiale faite de protection et de dialogue interclanique.
Pour de nombreux habitants, la scène a ravivé l’image du chef Lipouma, connu pour organiser des palabres sous le grand fromager afin de prévenir les conflits fonciers. Dans l’imaginaire local, le ballon rond devient le prolongement pacifique de ce conseil d’autrefois.
Analyses d’experts en sociologie du sport
L’implication d’un universitaire dans ce type d’action n’est pas isolée. Les travaux de l’UNESCO soulignent que la recherche-action augmente l’efficacité des projets communautaires, en associant observation scientifique et confiance locale. Le Pr Nzila applique ici des principes qu’il enseigne à Brazzaville depuis deux décennies.
Selon le sociologue camerounais Martin Tchatchoua, « lorsque le don provient d’une figure de la diaspora académique, la communauté perçoit un retour symbolique du savoir ». Autrement dit, l’équipement matérialise un pont entre université et village, rendant la connaissance socialement tangible.
La direction départementale des Sports, représentée par Rosalie Ngatsé, a salué l’initiative, y voyant « une contribution privée à la stratégie gouvernementale de promotion de la paix par le sport ». Cette convergence entre acteurs publics et mécènes locaux renforce la durabilité des programmes jeunesse.
Nouvelles perspectives pour Oubouesse
À court terme, un tournoi inter-quartiers est déjà programmé pour la fête nationale. Les recettes de billetterie seront affectées à la réhabilitation du puits communal, montrant comment le sport peut financer des services essentiels, notamment pour les femmes souvent chargées de la collecte d’eau.
Le collège d’Oubouesse compte également ouvrir une filière d’arbitrage réservée en priorité aux filles. Ce dispositif permettra de diversifier les rôles dans le microcosme sportif, démontrant que la prise de décision sur le terrain prépare à l’exercice de responsabilités civiques plus larges.
Enfin, la présence régulière de matchs attirera des commerçantes venues écouler beignets, manioc et jus de bissap. Les retombées économiques, bien que modestes, participeront à l’autonomisation financière féminine, renforçant le cercle vertueux entre activité sportive, cohésion sociale et accroissement des revenus locaux.
Pour le Professeur Nzila, l’objectif ultime demeure l’institutionnalisation d’un championnat de district adossé à un comité de parents. Un tel organe garantirait la maintenance du matériel et la mixité des équipes, évitant que le projet ne s’éteigne à la faveur d’une prochaine mobilité professionnelle.
Avec un simple carton de ballons, Oubouesse s’arme donc d’un instrument de cohésion. Parce qu’il mobilise filles et garçons autour d’objectifs partagés, le football devient ici laboratoire social. La communauté se projette déjà vers un avenir où le bruit des crampons rime avec développement durable.
Vers un suivi scientifique du projet
Le suivi de ce projet sera assuré par l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes, qui documentera l’impact de l’initiative sur la réduction des comportements à risque. Les premiers indicateurs, attendus dans six mois, orienteront de futures actions au bénéfice d’autres localités.