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Victoires féminines sous les projecteurs

Le 5 août 2025, la foule de Constantine a vibré devant le bond parfait de la jeune Gladise Boukama Ndoulou, première Congolaise sacrée à des Jeux africains scolaires. Sur la piste, sa joie contagieuse a offert au pays une image dynamique et rassurante du potentiel sportif féminin.

Pourtant, derrière cette médaille d’or, la délégation congolaise ne comptait que six athlètes, dont quatre jeunes filles, engagés dans des conditions matérielles contraintes. Leur périple exprime, à lui seul, les contrastes d’un écosystème sportif scolaire où les ambitions se heurtent encore à la rareté des ressources.

Les observateurs saluent cependant une évolution notable : la visibilité des femmes dans la haute compétition scolaire ne cesse de croître depuis dix ans, conséquence directe des réformes du ministère des Sports et de l’Éducation visant à renforcer l’accès des filles aux programmes d’entraînement certifiés.

Ressources limitées, ambitions intactes

D’après les chiffres consolidés par le Centre national de statistique sportive, moins de vingt pour cent des établissements disposent d’aires adaptées à l’athlétisme ou au judo. Cette pénurie matérielle pèse d’abord sur les filles, souvent orientées vers les arts manuels plutôt que vers les terrains d’effort.

« Quand nous réclamons des plaques de tatami, c’est tout un parcours administratif », confie Ernestine Mouandza, coach du club scolaire Espoir 2000. Elle rappelle que ses judokates s’entraînent parfois sur le béton, exposées aux blessures qui compromettent des carrières à peine entamées.

La rareté des budgets n’annule pas l’engagement communautaire. Parents, anciens athlètes et entreprises de proximité financent des équipements, souvent réutilisés d’une génération à l’autre. Cette économie informelle maintient le rêve sportif vivant, mais elle ne permet pas toujours de planifier des saisons compétitives complètes.

Partenariats innovants pour l’avenir

Depuis 2023, le programme Étincelle, conduit par la Direction générale du sport scolaire, offre des bourses de transport et de restauration aux athlètes féminines issues des zones rurales. Quatre-vingt-deux lauréates en bénéficient déjà et six ont participé aux Jeux africains scolaires.

Le secteur privé s’implique également. La société pétrolière nationale a signé une convention triennale de parrainage avec la Fédération d’athlétisme visant l’achat de matériel certifié World Athletics et la construction d’un centre de préparation mixte à Pointe-Noire, dont le chantier avance selon le calendrier prévu.

À Brazzaville, la Plateforme Femmes et Sport multiplie, pour sa part, les ateliers sur la nutrition et la prévention des violences basées sur le genre dans les vestiaires. L’objectif est de sécuriser les pratiquantes et de les maintenir dans une dynamique de performance durable.

La diaspora s’illustre aussi. En juin dernier, l’Association des anciennes sportives congolaises d’Europe a expédié cent paires de pointes et trente kimonos, récoltés lors d’une campagne de crowdfunding. Ce pont transnational conforte l’idée qu’un réseau solidaire, au-delà des frontières, peut accélérer la modernisation des pratiques.

Voix d’expertes et d’athlètes

Pour la sociologue Armelle M’Passi, l’exemple de Gladise rappelle que « les talents féminins existent, mais ils restent dépendants de la bienveillance d’entraîneurs visionnaires ». Elle préconise la systématisation des conventions école-clubs afin de garantir des séances quotidiennes sans nuire à la scolarité.

Du côté des athlètes, Symphoria Mankala, médaillée de bronze en judo, insiste sur la nécessité d’un suivi médical régulier. « Nous apprenons vite, mais nous avons besoin d’IRM comme nos adversaires. Une blessure mal soignée peut briser une vocation », dit-elle, lucide sur les risques.

Les fédérations, enfin, appellent à harmoniser les calendriers. Le chevauchement fréquent entre examens nationaux et tournois continentaux fragilise la préparation mentale. Un plan quinquennal, actuellement à l’étude, proposerait de positionner les championnats scolaires juste avant les périodes officielles de repos académique.

Stratégie nationale et horizon régional

Les Jeux africains scolaires de 2026, annoncés à Addis-Abeba, constitueront un test grandeur nature pour la nouvelle stratégie nationale. Le Comité olympique ambitionne d’y aligner vingt-quatre sportives, soit le quadruple de la précédente édition, avec un encadrement médical et psychologique renforcé.

Parallèlement, l’introduction d’un module obligatoire de sensibilisation aux violences sexistes dans le programme Éducation physique et sportive vise à créer des environnements plus sûrs. Les inspecteurs devront certifier, dès la rentrée, que chaque établissement dispose d’un protocole de signalement et d’un référent formé.

La perspective de la Coupe d’Afrique féminine de football scolaire, prévue à Brazzaville en 2027, pourrait également catalyser les financements. Les infrastructures construites pour l’événement seront mutualisées avec les autres disciplines, renforçant ainsi la durabilité des investissements et l’accès équitable aux créneaux d’entraînement.

Les chercheurs du Laboratoire performance et genre estiment que chaque franc investi dans le sport féminin scolaire génère, à terme, trois francs d’économies en santé publique. Un indicateur qui plaide pour un financement durable et mesurable des parcours d’excellence.

Au-delà des podiums, chaque victoire d’une jeune Congolaise agit comme un repère symbolique pour la société tout entière. En misant collectivement sur les forces vives du sport féminin, le Congo écrit, pas à pas, un récit fait de confiance, de santé publique et de justice sociale.