Mayoko, futur hub minier stratégique
De Mayoko, petite ville enclavée du Niari, aux comptoirs internationaux de l’acier, la mise en exploitation du gisement de fer Mayoko-Moussondji s’apprête à redessiner la carte économique du Congo-Brazzaville, sous l’impulsion personnelle du président Denis Sassou Nguesso.
Avec 917 millions de tonnes de réserves estimées, dont 38,5 millions immédiatement exploitables, le permis attribué à la société turque Ulsan Mining Congo SAU représente l’un des investissements privés les plus ambitieux jamais réalisés au sud du pays (ministère des Mines, 2023).
Des chiffres ambitieux pour l’économie congolaise
Porté par une stratégie nationale de diversification, le projet affiche une première phase à 300 000 tonnes annuelles, avant un passage à 16,5 millions de tonnes lorsque la roche dure sera traitée grâce à des unités de concassage dernière génération.
Le coût global, évalué à 15 milliards de dollars, inclut routes, énergie et surtout le maillon ferroviaire, confié en juillet dernier à un consortium associant Ulsan Holding et le Chemin de fer Congo-Océan pour 737 millions d’euros dédiés à la modernisation totale.
Le rail modernisé comme levier d’intégration
Les ingénieurs congolais saluent une « colonne vertébrale logistique » capable d’acheminer le minerai vers la zone économique spéciale de Pointe-Noire, puis vers les marchés asiatiques et européens, tout en desservant des bassins ruraux longtemps isolés du reste du pays.
Si l’ambition est d’abord macro-économique, elle n’éclipse pas la dimension sociale, insiste la sociologue Mireille Goma Loukakou : « Une infrastructure inclusive peut réduire les disparités régionales et ouvrir des perspectives aux femmes du Niari, si des mesures ciblées accompagnent l’investissement dans la durée».
Emplois et mutations sociales annoncées
Sur le terrain, notre Observatoire a recensé une hausse de 18 % des demandes de formation professionnelle féminine depuis l’annonce du permis, signe que les communautés anticipent déjà les changements industriels et la possible création de 3 000 emplois directs locaux.
Le groupe Ulsan précise qu’au moins 15 % des postes d’ingénierie et de maintenance seront réservés aux candidates répondant aux critères techniques, un seuil supérieur aux standards régionaux, salué par la Chambre des mines comme « un signal robuste d’inclusion et d’équité».
Garantir les droits et l’autonomie des femmes
Pourtant, l’autonomisation ne se décrète pas : l’accès aux logements décents, à la santé et à la garde d’enfants demeure crucial afin que les travailleuses profitent des retombées, rappellent les associations locales de défense des droits des femmes.
Le ministère congolais de la Promotion de la Femme annonce un programme de bourses offrant à deux cents filles du Niari des cursus en géologie, soudure et gestion, cofinancé par la Banque de développement des États d’Afrique centrale, régionale actuelle.
Transformation locale et valeur ajoutée
À Pointe-Noire, la fonderie de deux milliards de dollars promise à moyen terme devrait consolider une chaîne de valeur, transformer le minerai sur place et offrir des postes dans la métallurgie où les femmes restent moins de 8 %.
Les syndicats insistent sur la nécessité d’accords collectifs garantissant l’égalité salariale et une maternité protégée, afin d’éviter que la précarité n’alimente des violences économiques souvent invisibles mais documentées par notre Observatoire dans les corridors miniers du continent depuis 2015 déjà.
Une gouvernance attentive à l’égalité
Sur ce point, le directeur général du CFCO, Jean-Baptiste Okoumba, souligne que « la rénovation du rail créera huit cents emplois internes, dont une part réservée aux techniciennes, du contrôle des voies à la gestion des postes de signalisation modernes ».
L’économie politique de l’extraction a souvent éclipsé la dimension genre, rappelle l’analyste Élodie Makosso. Mais un nouveau paradigme se dessine, où l’employabilité féminine devient un indicateur mesurable de performance sociale pour les investisseurs internationaux soucieux de critères ESG et de redevabilité.
Essor entrepreneurial féminin à Mayoko
À Mayoko même, des entrepreneuses conçoivent déjà des services de restauration collective et de location d’engins légers. Selon la mairie, le nombre de micro-crédits octroyés aux femmes a doublé depuis janvier, passant de 60 à 124 dossiers validés.
Le Comité local de suivi, mis en place sous l’égide de la préfecture, réunit chaque trimestre autorités, bailleurs et organisations féminines pour évaluer l’avancement des chantiers et l’insertion des femmes, dans une démarche de gouvernance partagée prônée par Brazzaville récemment.
Sécurité et environnement de travail
Pour les ONG spécialisées, le défi demeure la protection contre le harcèlement sur les sites. Un protocole de signalement confidentiel, assorti de sanctions contractuelles, doit être annexé aux conventions minières, assure le juriste Albert Ndinga, consultant auprès du ministère.
Dans cette dynamique, la prochaine visite de travail du chef de l’État, annoncée avant la fin du semestre, est perçue comme un catalyseur. Elle devrait officialiser des engagements budgétaires pour les routes secondaires et annoncer les premiers contrats d’achat local.
Vers un modèle inclusif de développement
Au-delà des chiffres, c’est l’idée d’un développement inclusif qui s’installe. Si l’ensemble des parties respecte ses promesses, le fer de Mayoko pourrait devenir le symbole d’une prospérité partagée et, pour les femmes congolaises, d’une avancée concrète vers l’autonomie.
Les observateurs attendent désormais la publication des clauses sociales du contrat, qui préciseront quotas féminins, fonds de micro-entrepreneurs et mécanismes de suivi indépendants, garants de la crédibilité nationale envers les partenaires extérieurs.