Une disparition qui bouleverse la communauté juridique
La mort inattendue de Maître Larsen Bemy, survenue à Brazzaville cette semaine, a créé une onde de choc dans tout le barreau congolais, rappelant la fragilité des parcours pourtant jugés exemplaires.
Des salles d’audience aux amphithéâtres de l’École Nationale d’Administration et de Magistrature, collègues et étudiants saluent unanimement un esprit discipliné, travailleur et profondément engagé dans la construction d’une justice inclusive.
La cérémonie de recueillement organisée par ses pairs, en présence de nombreuses associations de femmes juristes, a transformé la douleur collective en un moment de réflexion sur la santé mentale des jeunes professionnels.
Aucun signe avant-coureur n’avait annoncé le drame, renforçant le sentiment d’impuissance souvent éprouvé face aux décès soudains, surtout dans un milieu où le stoïcisme demeure la posture la plus valorisée.
Itinéraire académique d’un esprit brillant
Né à Pointe-Noire en 1987, Larsen Bemy s’installe à Brazzaville pour des études de droit qu’il mène avec un zèle remarqué, décrochant successivement sa licence puis son master avec mention.
Ses camarades évoquent les levers à deux heures du matin afin d’obtenir une place assise dans des amphithéâtres bondés, contexte typique des filières très demandées dans la capitale.
Selon le professeur émérite Jean-Robert Mabiala, « son écriture dense reflétait une capacité rare à synthétiser doctrine et jurisprudence, talent indispensable pour la modernisation de notre système judiciaire ».
Après un stage remarqué au Bénin, il réussit le concours d’entrée à l’ENAM, promotion 2008, étape que beaucoup considèrent comme le tournant décisif de sa courte mais inspirante trajectoire.
La solidarité universitaire, héritage commun
Dans les couloirs de l’université Marien-Ngouabi, la photographie prise la veille du drame circule sur les téléphones, rappelant la dimension communautaire d’une formation où l’entraide compense souvent la rudesse des conditions matérielles.
Nombre d’anciens étudiants soulignent que cette cohésion naît dans les files d’attente nocturnes, les séances d’étude improvisées et les partages de documents, pratiques encore plus essentielles pour les étudiantes confrontées à des stéréotypes persistants.
Pour Adeline Missamou, présidente du Réseau des Femmes Juristes, « l’exemple de Larsen démontre que le mérite partagé crée des alliés précieux, capables de porter ensemble la question de l’égalité devant la loi ».
Cette solidarité impressionne d’autant plus qu’elle se joue souvent en dehors des structures officielles, révélant la persistance d’initiatives citoyennes, encouragées par les autorités, pour renforcer la formation des cadres féminins.
Soutien psychologique et social aux familles endeuillées
Au domicile familial, les professionnels du Centre national de santé mentale ont proposé un accompagnement gratuit, illustrant la stratégie gouvernementale de prévention du traumatisme et de promotion de la résilience communautaire.
Le ministère des Affaires sociales, appuyé par plusieurs ONG féminines, a mis à disposition une cellule d’écoute téléphonique afin de répondre aux proches, notamment aux mères souvent chargées de la gestion émotionnelle des familles.
Selon la psychologue Denise Kanza, « reconnaître publiquement la peine contribue à éviter l’isolement, facteur aggravant de nombreux troubles anxieux observés après un décès brutal ».
Des juristes bénévoles se relaient également pour conseiller la famille sur les démarches administratives, prouvant qu’un réseau de soutien bien coordonné peut réduire la vulnérabilité financière qui suit souvent les funérailles.
Voix de femmes juristes : résilience et espoir
Dans les médias, plusieurs avocates rappellent que la perte d’un collègue doit renforcer la détermination collective à rendre la profession plus inclusive, sûre et attentive aux signaux de détresse.
Maître Samira Ndinga insiste sur la nécessité de programmes de mentorat mixtes, capables d’accompagner tout jeune juriste, homme ou femme, dans son équilibre entre charge de travail et bien-être personnel.
L’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes, que nous dirigeons, prépare un guide pratique recensant les ressources psychosociales accessibles aux étudiantes en droit confrontées à des stress comparables.
En valorisant de telles initiatives, le barreau contribue à l’Objectif de Développement Durable numéro cinq, visant l’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et filles.
Préserver la mémoire, inspirer la relève
Une bourse portant le nom de Larsen Bemy sera prochainement créée au sein de l’ENAM pour soutenir les étudiants issus de milieux modestes, annonce le directeur de l’institution.
Cette initiative, saluée par le ministère de l’Enseignement supérieur, souligne l’engagement continu des pouvoirs publics en faveur de la promotion de l’excellence académique et de l’équité territoriale.
Les proches espèrent que chaque lauréat se souviendra de la rigueur, de la gentillesse et du sens du service public qui caractérisaient le jeune juriste disparu, qualités devenues repères pour la nouvelle génération.
Parce qu’une société progresse également par le souvenir de ses héros ordinaires, l’hommage rendu à Larsen Bemy dépasse la tristesse immédiate et transforme l’émotion collective en un catalyseur d’engagement civique.
Une cérémonie annuelle de plaidoiries est également envisagée, offrant aux jeunes avocats une tribune pour défendre des causes sociales proches du parcours de Larsen.
Ainsi, la boucle se referme : de la douleur surgit une dynamique constructive, démontrant que chaque drame peut devenir moteur de progrès partagé pour toute la communauté juridique.