Mossendjo, une exception statistique
Dire que Mossendjo vit hors du temps relève de la métaphore, mais les indicateurs compilés par la direction départementale de la Sûreté notent sur trois ans moins de cinq plaintes pour vols avec violence. Peu de villes congolaises affichent un tel score.
Cette sensation de calme se perçoit au crépuscule, lorsque les rues bordées de palmiers s’animent encore de rires d’enfants. Des commerçantes racontent pouvoir fermer tard sans appréhension, alors que dans d’autres communes du Niari, les rideaux métalliques se baissent souvent avant la tombée de la nuit.
Le contraste avec les corridors économiques de Brazzaville ou Pointe-Noire nourrit de nombreuses hypothèses sociologiques : densité plus faible, réseau de sociabilité resserré et présence policière visible. Interrogés, des enseignants avancent aussi l’effet d’une agriculture familiale qui absorbe les jeunes dans des activités diurnes plutôt que nocturnes.
Risques urbains et perception féminine
Dans le débat public, la notion de risque se construit autant par les chiffres que par les récits. Or, les enquêtes menées par l’Observatoire congolais des violences faites aux femmes montrent que la peur conditionne davantage les mobilités féminines que la statistique brute des faits criminels.
À Mossendjo, 78 % des femmes interrogées déclarent se sentir « totalement en sécurité » lors de leurs déplacements nocturnes. Ce pourcentage, supérieur de trente points à la moyenne nationale, invite à s’interroger sur les variables locales : qualité de l’éclairage, proximité des services publics, sentiment de cohésion sociale.
Organisations féminines rappellent pourtant que l’absence de crime déclaré ne signifie pas toujours l’absence de violence. Les cas de harcèlement ou d’agressions domestiques, moins visibles dans l’espace public, doivent conserver un suivi institutionnel rigoureux afin que la « tranquillité » ne se construise pas au prix du silence.
Le rôle de la police locale
À l’entrée de la ville, un poste avancé compte officiellement dix agents, effectif modeste au regard des standards internationaux. Leur stratégie privilégie la présence continue sur les axes centraux et l’écoute des notables. « Nous misons sur la proximité plutôt que sur la force », confie un officier.
Cette approche communautaire repose sur des patrouilles pédestres, un registre de doléances consultable en mairie et des réunions mensuelles dans chaque quartier. Les chiffres montrent une forte corrélation entre la rapidité de traitement des plaintes et la diminution de la récidive, notamment pour les vols simples.
La section féminine de la police reçoit, elle, un appui constant des associations locales. Formées à l’écoute des victimes de violences basées sur le genre, ces agentes facilitent les dépôts de plainte et limitent la revictimisation. Plusieurs ONG saluent un modèle qui pourrait inspirer d’autres circonscriptions rurales.
Approches communautaires de prévention
Au-delà du dispositif régalien, la prévention s’articule autour des comités de veille citoyenne. Composés d’enseignants, de chefs coutumiers et de jeunes entrepreneurs, ces collectifs organisent des « marches de confiance » trimestrielles pour identifier les zones mal éclairées et proposer des réparations rapides à la mairie.
Les établissements scolaires jouent également un rôle charnière. Les cours d’éducation civique incluent désormais des modules sur la sécurité urbaine et l’égalité de genre. Selon la directrice du lycée Ngamoua, cette pédagogie crée des relais d’information dans les familles et renforce la responsabilité collective face aux incivilités.
Enfin, l’économie locale, longtemps indexée sur l’agriculture, s’ouvre à l’exploitation artisanale de l’or. Les autorités municipales travaillent avec les coopératives minières pour formaliser les sites et éviter l’émergence de zones de non-droit. Des conventions rappellent l’interdiction du travail des mineures et imposent un éclairage permanent.
Vision nationale pour 2025
Lors du réveillon d’armes du 31 décembre, le président Denis Sassou Nguesso a appelé la force publique à intensifier la lutte contre le grand banditisme et à sécuriser les frontières. Cette orientation nationale conforte les initiatives locales et rappelle que la paix civile demeure un bien commun fragile.
À Mossendjo, les autorités ont annoncé la création d’une cellule de liaison policière avec les secteurs avoisinants. L’objectif est d’éviter l’effet « ballon » qui déplacerait la délinquance vers les zones voisines. Les associations féminines seront intégrées à cette cellule pour suivre les indicateurs de genre.
Enjeux et perspectives
Le cas de Mossendjo démontre que la sécurité n’est pas seulement affaire de budget mais aussi de gouvernance inclusive. Là où le dialogue police-citoyens est constant, la confiance se renforce et décourage les transgressions mineures susceptibles d’escalader en criminalité plus grave.
Pour les femmes, premiers baromètres de la vie urbaine, cette confiance se traduit par une appropriation accrue de l’espace public : marchés nocturnes, formation de clubs sportifs et participation plus visible aux réunions de quartier. Chaque initiative consolide un cercle vertueux d’alerte et de vigilance partagée.
Les prochains mois diront si le modèle est exportable. Les experts soulignent néanmoins que, sans suivi continu et allocation ciblée de ressources, la dynamique pourrait s’éroder. Le défi consiste donc à institutionnaliser les bonnes pratiques tout en adaptant leur mise en œuvre aux réalités de chaque territoire.