Brazzaville scrute sa gouvernance sanitaire
Dans le décor moderniste du Grand Hôtel de Kintélé, la IIᵉ Session du Conseil national de la santé a réuni, du 16 au 18 juillet 2025, un aréopage composite où se côtoyaient responsables gouvernementaux, experts médicaux et partenaires internationaux. L’enjeu était d’envergure : interroger la gouvernance du système de santé congolais à l’aune de l’objectif de développement durable numéro 3, celui qui porte l’ambition d’une vie saine et d’un bien-être pour tous. L’ouverture solennelle, présidée par le Premier ministre Anatole Collinet Makosso, a rappelé la filiation historique de ce Conseil créé en 1984, tandis que la présence remarquée de Vincent Dossou Sodjinou, représentant résident de l’OMS, soulignait l’ancrage multilatéral de la démarche.
Des enjeux systémiques aux réalités de terrain
Durant trois jours, les tables rondes ont passé au crible une série de problématiques allant de la planification sanitaire jusqu’à la question sensible du financement. Les intervenants ont insisté sur la nécessité d’aligner les ressources humaines, l’information épidémiologique et la disponibilité des technologies médicales, autant de « piliers indissociables » rappelés par l’OMS dès 2013 (OMS, 2013). Sous le regard attentif des préfets venus de l’intérieur du pays, les débats ont mis en évidence l’hétérogénéité des infrastructures entre zones urbaines et rurales, ainsi que la tension persistante entre couverture universelle et soutenabilité budgétaire.
La voix des partenaires internationaux
Au nom des agences onusiennes, Vincent Dossou Sodjinou a salué « la clarté de la vision congolaise en matière de gouvernance », rappelant qu’un pilotage efficace doit irriguer toutes les strates du système, de la prévention communautaire jusqu’aux plateaux techniques hospitaliers. Son propos a pris un relief particulier lorsque furent évoquées les grandes crises sanitaires de la décennie écoulée : la pandémie de Covid-19 a révélé, selon lui, la capacité du Congo à activer rapidement les mécanismes de coordination et à renforcer la surveillance épidémiologique. Cet ancrage dans les normes internationales nourrit désormais l’ambition d’un système résilient, mieux préparé aux chocs futurs.
Des acquis tangibles salués par le gouvernement
Intervenant à la tribune, le ministre de la Santé et de la Population, Jean-Rosaire Ibara, n’a pas manqué de rattacher ces avancées à la vision impulsée depuis quatre décennies par le président Denis Sassou Nguesso. L’inauguration récente des hôpitaux généraux de Djiri à Brazzaville et de Loandjili à Pointe-Noire, ainsi que l’ouverture imminente des établissements de Ouesso et de Sibiti, constituent pour le ministre « des jalons concrets d’un maillage territorial cohérent ». Ces réalisations, associées à la modernisation du plateau technique, devraient contribuer à réduire les évacuations sanitaires et à renforcer la confiance des citoyens dans les structures locales.
Santé maternelle : un prisme d’analyse incontournable
Si l’Objectif 3 vise la santé pour tous, les discussions ont accordé une place singulière à la santé maternelle et néonatale, domaine où se cristallisent les inégalités de genre. Les indicateurs montrent une amélioration du taux d’accouchements assistés, mais la mortalité maternelle demeure préoccupante dans certaines zones enclavées. Les organisations féminines présentes ont plaidé pour un renforcement des centres de santé intégrés et une adaptation culturelle des campagnes de sensibilisation. « La qualité de la gouvernance se mesure à sa capacité d’entendre la voix des femmes, premières usagères et parfois premières soignantes de la famille », a souligné une sociologue de l’Université Marien-Ngouabi, invitée aux débats.
Financement et transparence : les nerfs de la réforme
Les questions budgétaires, souvent techniques, ont suscité de franches discussions. L’introduction progressive d’un mécanisme d’assurance santé universelle, envisagé pour compléter le financement public, a été jugée prometteuse à condition de garantir la transparence des flux et l’équité d’accès. Plusieurs économistes de la santé ont rappelé que la gouvernance ne se résume pas à la prise de décision, mais inclut le contrôle citoyen et la diffusion de données fiables. La digitalisation des registres hospitaliers, déjà amorcée à Djiri, pourrait devenir un levier majeur de reddition des comptes et d’évaluation en temps réel.
Un chantier collectif appelant la vigilance citoyenne
Au terme des assises, une série de recommandations a été annoncée, portant sur la formation continue des personnels, la relance de la médecine préventive et la consolidation des partenariats public-privé. Les participantes issues des associations de femmes ont salué ces engagements tout en rappelant que la réussite dépendra d’un suivi méthodique et d’une participation accrue des communautés. La gouvernance, telle qu’entendue ici, ne trouve sa pleine expression que lorsqu’elle conjugue leadership politique, expertise technique et contrôle social. À l’horizon 2030, la feuille de route dévoilée à Brazzaville entend faire de la santé un vecteur de cohésion nationale et un accélérateur de développement, en phase avec l’Objectif 3 et, plus largement, avec l’ensemble des ODD.