La gouvernance locale au prisme du genre
Dans les quartiers périphériques de Brazzaville, l’élaboration des nouveaux plans de développement locaux ouvre une fenêtre d’espoir pour les habitantes souvent tenues à l’écart des décisions publiques. L’atelier animé le 11 juillet 2025 par le Centre d’actions pour le développement l’a montré avec force.
Pour l’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes, intégrer la perspective de genre dès la planification constitue un levier déterminant de réduction des inégalités et de prévention des violences basées sur le genre, encore en hausse selon plusieurs organisations spécialisées.
Le cadre législatif national, consolidé par la loi 2022-25 sur la décentralisation, encourage déjà la participation citoyenne. Pourtant, les chiffres de la représentation féminine dans les conseils locaux plafonnent autour de 17 %, frein récurrent pour rendre visibles les priorités féminines.
Des plans participatifs qui donnent la voix aux femmes
Lors de l’atelier, la méthodologie adoptée s’est voulue résolument base-sommet : groupes de discussions intracommunautaires, cartographie des risques par les femmes elles-mêmes, puis consolidation des données avec les élus. Ce processus a permis de valoriser un savoir d’expérience longtemps minoré.
Guerschom Gobouang, responsable du programme Campagne et plaidoyer, insiste : « Un plan pensé loin des réalités quotidiennes reste lettre morte. » Pour lui, le diagnostic partagé par les femmes ajoute une dimension de redevabilité qui facilite, ensuite, l’allocation des budgets communaux.
Dans Makélékélé, par exemple, les participantes ont cartographié vingt-deux points d’eau à risque d’agression nocturne. Cette donnée, absente des anciens schémas, figure désormais en priorité dans le futur plan communal et justifie l’installation programmée d’un système d’éclairage solaire sécurisé.
Paroles de terrain
Nadège Mavoungou, maraîchère, se réjouit : « Nous parlons nous-mêmes devant le maire; ce n’est plus un technicien venu de la capitale qui décide. » Son témoignage illustre la confiance naissante qui ancre la gouvernance locale dans une reconnaissance mutuelle.
De son côté, Clémentine Banzila, conseillère municipale, décrit un changement de posture : « Être élue ne signifie pas posséder toutes les réponses. Écouter les femmes renforce la pertinence des priorités et facilite la mobilisation des partenaires techniques. »
Les techniciens du département des Affaires sociales notent, eux, une baisse significative des tensions lors des réunions publiques depuis qu’un quota de 40 % de femmes intervenantes a été instauré sur recommandation du projet. La mixité change la dynamique délibérative.
Violences et priorités budgétaires
Les données collectées confirment que l’insécurité nocturne, les violences domestiques et l’accès inégal aux revenus figurent au sommet des préoccupations féminines. Ces trois dimensions sont désormais traduites en lignes budgétaires spécifiques : éclairage public, soutien psychosocial, micro-crédits à taux réduit.
Selon les chiffres du ministère de la Promotion de la femme, chaque franc investi dans la prévention des violences permet d’économiser trois francs de dépenses médicales et judiciaires. Cet argument financier a convaincu plusieurs mairies d’aligner leurs budgets sur les priorités genrées.
La représentante locale du Programme des Nations unies pour le développement rappelle que « la budgétisation sensible au genre n’est pas un supplément d’âme, mais une condition de durabilité ». Elle salue l’engagement des autorités congolaises à diffuser la méthode dans les treize départements.
Synergies institutionnelles encouragées
Le projet, financé par le Fonds des Nations pour la démocratie, repose sur une gouvernance multi-acteurs : administrations, organisations féminines, bailleurs, chefs traditionnels. Cette architecture favorise l’articulation entre plans d’actions communautaires et politiques publiques, tout en respectant les prérogatives légales des collectivités.
Le ministère de la Décentralisation prépare, en concertation avec la société civile, un guide méthodologique unifié qui intégrera les outils testés lors de l’atelier. Le document devrait servir de référence nationale pour harmoniser les futures initiatives communales et faciliter leur financement.
Des plateformes numériques sont également envisagées. Elles permettront de suivre en temps réel l’exécution des plans, d’alerter sur les retards et de partager les bonnes pratiques. Une transparence accrue, estime le sociologue Arsène Okemba, « renforce la confiance et réduit les tensions ».
Cap sur la pérennité des acquis
Les formatrices insistent sur la nécessité de passer du projet à la politique publique. Elles recommandent la création de lignes budgétaires permanentes pour la formation des élues et des relais communautaires, afin que les compétences développées ne disparaissent pas à la fin du financement.
La campagne d’information se poursuivra dans les lycées et universités pour susciter de nouvelles vocations féminines. « Les jeunes filles doivent comprendre que la mairie est aussi leur espace d’action », affirme la juriste Irène Nganga, invitée à animer des séances d’initiation aux droits municipaux.
Aujourd’hui, les participantes de l’atelier reconnaissent que la route reste longue, mais elles disposent désormais d’outils partagés et de partenaires à l’écoute. Ce socle commun pourrait, à terme, transformer la gouvernance locale en moteur d’égalité et de prévention durable des violences.
Le CAD prévoit enfin une évaluation indépendante en 2025. Elle mesurera, outre les indicateurs économiques, l’évolution du sentiment de sécurité chez les femmes. Cette démarche scientifique apportera des données objectivées cruciales pour ajuster les politiques et ancrer définitivement la culture locale de la participation inclusive.