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Un dimanche de ferveur à Saint Christophe

Dès l’aube, les ruelles sablonneuses du quartier Faubourg à Pointe-Noire vibraient d’un pas impatient. Familles, marraines et confirmands se dirigeaient vers l’église Saint Christophe, parée de tentures vertes rappelant l’espérance liturgique.

La paroisse accueillait plus de cent chrétiens venus des communautés Sainte-Face, Sainte Joséphine Bakhita, Providence, Christ-Roi, Sainte Rita et Saint Christophe. Pour chacun, recevoir le sacrement de confirmation représentait un aboutissement autant spirituel que communautaire.

Cent confirmés, un chiffre symbolique

Cent, ce nombre rond résonne comme un symbole d’unité dans un diocèse en pleine croissance démographique. Selon la chancellerie diocésaine, les demandes de catéchèse ont progressé de 18 % ces trois dernières années, signe d’une vitalité locale.

L’archevêque métropolitain, Mgr Abel Liluala, y voit une « réponse à l’appel missionnaire de l’Église ». Derrière la statistique, se cachent des histoires singulières, souvent féminines, où la foi se conjugue avec l’engagement social.

Le message pastoral de Mgr Abel Liluala

Lors de l’homélie, l’archevêque s’est appuyé sur la parabole du Bon Samaritain pour inviter les confirmés à « déplacer leur regard ». Pour lui, l’Esprit Saint donne la capacité de reconnaître l’autre comme un prochain.

« Le monde se referme parfois, mais vous portez l’Esprit de compassion active », a-t-il martelé, dans un discours mêlant exhortation biblique et références contemporaines aux défis sanitaires et économiques affectant les familles ponténégrines.

Le message a particulièrement résonné auprès des femmes présentes, nombreuses à porter une activité marchande ou associative qui complète le revenu domestique et leur confère une influence croissante dans la vie paroissiale.

Compassion active et tissu social

Dans les quartiers périphériques, la solidarité paroissiale se traduit souvent par des tontines ou des caisses d’entraide gérées par des laïques, majoritairement des mères. La confirmation crée un espace supplémentaire pour formaliser ces réseaux, notamment autour de l’école voisine Saint-Luc.

La sociologue Blandine Massamba souligne que « le rite agit comme un capital symbolique ». Les confirmés, désormais reconnus adultes dans la foi, peuvent assumer des responsabilités liturgiques, mais aussi coordonner des initiatives sanitaires ou éducatives appuyées par Caritas.

Les femmes confirmées, actrices de la foi

Sur les cent confirmés, cinquante-sept sont des femmes ou des jeunes filles. Certaines, comme Lydie Nsimba, 22 ans, espèrent que ce sacrement « ouvrira la porte à davantage de leadership féminin dans la chorale ».

Le vicariat Mgr Foret expérimente depuis 2023 des sessions de formation destinées aux femmes baptisées, axées sur la prise de parole publique et la gestion de projet. La confirmation constitue un prérequis pour y accéder.

« Nous voulons transformer la ferveur en compétences concrètes », explique sœur Prisca Mabiala, responsable de la commission diocésaine de la femme. Selon elle, l’Église peut devenir un levier complémentaire aux programmes gouvernementaux de promotion économique féminine.

Regards sociologiques sur l’initiation chrétienne

Au Congo-Brazzaville, près de 70 % des femmes se déclarent chrétiennes selon l’Institut national de statistique. Les sacrements d’initiation, souvent vécus tardivement pour des raisons scolaires ou économiques, jalonnent un parcours identitaire pluriel.

Le professeur de sociologie religieuse Jean-Pierre Tchicaya rappelle que « la confirmation offre une reconnaissance adulte hors des cadres traditionnels de la parenté ». Cette reconnaissance est particulièrement recherchée par les jeunes femmes urbaines, actives dans l’économie informelle.

D’un point de vue politique, l’Église fournit un espace régulé où les citoyennes peuvent acquérir des compétences de gouvernance locale. L’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes suit ces dynamiques pour comprendre leur impact sur l’autonomie.

Engagement civique et valeurs partagées

Lors des ateliers préparatoires, les catéchistes ont abordé la lutte contre les violences basées sur le genre, rappelant que la compassion commence à la maison. Cette pédagogie rejoint les orientations nationales de tolérance zéro promues par les autorités.

En signant leur profession de foi, les confirmés promettent aussi de servir la société. Le curé, abbé Alain Abel Bounga, voit dans cet engagement « un ferment de civisme capable d’irriguer chaque quartier ».

Témoignages et perspectives

À la sortie, Fidelphin Mampeme, porte-parole des nouveaux confirmés, dira simplement sa « joie de rendre fière la communauté ». Son visage rayonnant résume l’ambition d’une jeunesse qui cherche sa place sans renoncer à la tradition.

Pour plusieurs responsables, l’étape suivante sera la création d’un groupe de jeunes confirmés chargé d’appuyer la campagne diocésaine de reboisement durable, en écho aux appels universels à la sauvegarde de la maison commune.

En franchissant le porche, chacun recevait enfin un certificat plastifié, gage d’appartenance et rappel discret que la foi se vit au quotidien. Le lumineux dimanche s’achevait, mais la mission, elle, ne faisait que commencer.

Un horizon pastoral en mutation

Le plan quinquennal diocésain annonce deux centres catéchétiques dans la périphérie sud. Objectif : rapprocher la formation sacramentelle des foyers installés dans des zones de rapide urbanisation.

Ces structures proposeront aussi des ateliers de leadership féminin, soutenus par le ministère de la Promotion de la femme, illustrant un partenariat Église-État salué par plusieurs organisations civiles.

Pour la théologienne Marceline Oba, « relier sacrement et développement humain offre une chance de société résiliente ». Elle souligne l’urgence d’éduquer les garçons à l’égalité dès le catéchisme.