Formation inédite pour les médias congolais
À moins de trois ans de l’élection présidentielle, une quarantaine de femmes journalistes se sont réunies à Brazzaville pour peaufiner leurs pratiques professionnelles à l’invitation du ministère de la Communication et de l’Unesco, afin d’assurer une couverture inclusive et apaisée du scrutin.
Pendant trois jours d’échanges, de démonstrations et de simulations, les formatrices et formateurs ont mis l’accent sur la place du genre dans l’information électorale, la prévention de la désinformation, ainsi que la promotion d’une narration favorisant la cohésion nationale et le pluralisme.
L’apport spécifique des femmes journalistes
Selon les animatrices, la perspective féminine apporte une valeur ajoutée essentielle : elle permet d’enrichir l’agenda médiatique par des voix trop souvent invisibles, notamment celles des électrices rurales, des candidates locales et des associations mobilisées pour la vigilance citoyenne.
« Nous voulons que chaque Congolaise se voie dans nos reportages », explique Tania Noguera Ndinga de Vox TV, pour qui la parité de traitement n’est pas seulement une exigence éthique, mais aussi un facteur de crédibilité à l’ère des audiences numériques dispersées.
Le séminaire a également souligné que la présence accrue de femmes dans les salles de rédaction réduit les angles morts sur les violences électorales basées sur le genre, thème rarement exploré avant que des journalistes ne l’inscrivent à l’agenda public et politique.
Genre, paix et vérification : le triptyque pédagogique
Le programme pédagogique reposait sur trois piliers complémentaires : une grille d’analyse genre pour diversifier les sources, une méthodologie de couverture sensible à la paix inspirée des Nations unies, et un module de fact-checking s’appuyant sur les normes internationales de vérification open source.
Les cas pratiques ont décortiqué de récents épisodes électoraux africains où les rumeurs en ligne, relayées sans filtre, avaient amplifié des tensions. Les participantes ont appris à croiser bases de données publiques, géolocalisation et interviews terrain pour trier le faux du vrai.
Serge Banyimbe, de l’Unesco, a rappelé que « tout le monde veut communiquer et tout le monde ne veut pas informer », exhortant à préférer l’intérêt citoyen à la logique de buzz. Il a insisté sur l’autorégulation face aux contenus générés par l’intelligence artificielle.
Recommandations vers 2026 : réseau et guide pratique
Au terme des travaux, un paquet de recommandations a été adopté. Les participantes préconisent la création d’un réseau de femmes journalistes, chargé de mutualiser alertes, ressources et mentorat, et d’élaborer un guide pratique sur la couverture équitable du processus électoral 2026.
Elles souhaitent aussi que chaque rédaction inclue un référent genre-paix et consacre du temps d’antenne aux candidates, aux observateurs civils et aux personnes déplacées, afin d’offrir un miroir fidèle de la diversité congolaise et désamorcer les discours polarisants.
Parmi les demandes adressées aux partenaires techniques figure la pérennisation financière des formations régionales, de manière à toucher les radios communautaires éloignées, souvent seules sources d’information dans les districts où l’accès à Internet reste intermittent ou économiquement inaccessible.
Regards institutionnels et partenaires engagés
Le directeur de cabinet du ministre de la Communication, Antoine Oviebo Ethaï, a salué une initiative « arrivant à point nommé ». Selon lui, les professionnelles formées pourront « porter haut les valeurs de vérité, d’éthique, de paix et de dialogue » durant toute la séquence électorale.
Le ministère annonce déjà la prochaine étape : l’intégration de modules similaires dans les curricula des écoles de journalisme de Brazzaville et Pointe-Noire, afin que la culture genre et paix irrigue durablement la formation initiale et non plus seulement la formation continue.
Enjeux sociétaux d’une couverture responsable
Derrière le perfectionnement technique se joue un enjeu sociétal majeur : la crédibilité du processus électoral dépend en grande partie d’une information perçue comme impartiale. Une narration inclusive réduit le sentiment d’exclusion, souvent racine des conflits post-électoraux observés dans la sous-région.
Les actrices du projet rappellent que la Constitution congolaise consacre l’égalité de genre et la liberté de la presse. Ce socle juridique leur offre une légitimité pour exiger des conditions de travail sûres, l’accès aux sources officielles et un traitement salarial équitable.
Prochaines étapes : de la salle de classe au terrain
La révision des listes électorales, prévue du 1er septembre au 30 octobre, sera le premier test grandeur nature pour les participantes. Elles entendent appliquer immédiatement les outils appris afin de documenter le processus sans partialité et sans amplifications anxiogènes.
Un comité de suivi, composé de représentantes des médias, du ministère et de l’Unesco, se réunira chaque trimestre. Son rôle : mesurer l’intégration des pratiques, recenser les obstacles logistiques, proposer des ajustements et diffuser les réussites auprès des rédactions qui n’ont pas encore bénéficié de la formation.
À l’horizon 2026, les participantes espèrent pouvoir présenter un bilan chiffré démontrant une augmentation de la représentation féminine à l’antenne, une diminution des propos haineux dans les débats publics et une confiance accrue des électeurs envers les organes d’information nationaux.