SAMEB 2025, vitrine d’une diversification inclusive
Au Palais des congrès de Brazzaville, le Salon international de l’artisanat, de la machine et du bois (SAMEB) a ouvert ses portes du 11 au 25 août. L’événement, placé sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, s’inscrit dans l’agenda de diversification économique nationale.
Plus qu’une exposition, le salon se présente comme un laboratoire où industriels, artisanes et instituts de formation croisent leurs expériences pour structurer une filière bois compétitive, créer des emplois durables et stimuler la consommation locale, conformément à l’appel présidentiel à « produire et acheter congolais ».
La ministre des PME et de l’Artisanat, Jacqueline Lydia Mikolo, a rappelé l’enjeu culturel : « Les Congolais ignorent parfois la valeur de nos savoir-faire ». Ce constat ouvre un débat sociologique sur les représentations attachées au bois, longtemps perçu comme matière première d’exportation plutôt que produit fini.
Le secteur bois, atout pour l’emploi féminin
Selon une étude menée en 2024 par le Centre d’analyse économique du Congo, la transformation locale du bois pourrait générer 10 000 emplois supplémentaires d’ici cinq ans, dont un tiers accessibles aux femmes si les programmes de formation sont effectivement financés et adaptés aux réalités de genre.
Dans les ateliers de menuiserie de Mpila, des coopératives féminines expérimentent déjà de nouvelles machines présentées au SAMEB. Elles produisent des meubles scolaires à partir de forêts communautaires certifiées, réduisant le coût d’importation et offrant aux jeunes filles des modèles de réussite non limités au commerce informel.
Artisanat: un gisement d’émancipation économique
Le secteur artisanal, évalué à 6 % du PIB, mobilise une main-d’œuvre majoritairement féminine dans la vannerie, la bijouterie ou la couture. Pourtant, le passage du statut informel à l’entreprise enregistrée reste ardu : formalités coûteuses, accès limité au crédit et manque de visibilité sur les marchés urbains.
En marge du salon, l’Observatoire congolais des violences faites aux femmes a animé une table ronde sur l’autonomisation. Les intervenantes ont souligné que la dépendance économique accroît la vulnérabilité domestique, tandis que la propriété d’un atelier ou d’une marque renforce la négociation au foyer.
Des obstacles structurels encore à lever
Les statistiques de la Banque mondiale indiquent que seules 18 % des PME dirigées par des femmes obtiennent un crédit bancaire en République du Congo. Les institutions financières jugent le secteur artisanal trop risqué, malgré un taux de remboursement supérieur à la moyenne nationale dans les programmes de micro-finance.
Autre défi : l’accès au bois légal. Les artisanes de Ouesso dénoncent la hausse du prix des grumes depuis la suspension de certaines concessions privées. Le ministère de l’Économie forestière promet d’accélérer la délivrance des permis communautaires, gage d’une production durable et conforme à l’engagement climatique national.
Stratégies gouvernementales et partenariats internationaux
Le gouvernement a inscrit le développement des chaînes de valeur du bois dans le Plan national de développement 2022-2026. Des zones économiques spéciales, dont celle de Maloukou-Tréchot, prévoient des incubateurs accessibles aux entrepreneures, accompagnés par l’Agence française de développement et l’Organisation internationale de la francophonie.
Le Maroc, invité d’honneur du SAMEB, partage son expérience du label “Artisanat authentique” qui a doublé les exportations féminines en cinq ans. Une convention de jumelage entre Brazzaville et Rabat prévoit des échanges techniques sur le design, la certification et le marketing numérique des produits d’art.
Témoignages d’artisanes congolaises
Marie-Claire Ngoma, sculptrice de Talangaï, vendait ses statuettes dans la rue. Grâce à une bourse du Fonds national d’appui à l’employabilité féminine, elle expose au SAMEB : « J’ai pu acheter une ponceuse et augmenter ma production ». Ses revenus ont triplé, permettant la scolarisation de ses deux filles.
Plus loin, Thérèse Mavoungou transforme des chutes de bois en bijoux écologiques prisés par la diaspora. Elle souligne cependant le coût élevé du transport : « Livrer à Pointe-Noire me revient plus cher que d’envoyer à Paris ». Le développement logistique interne apparaît crucial pour consolider les gains obtenus.
Perspectives: vers une chaîne de valeur genrée
Les experts interrogés convergent : la réussite de la stratégie bois-artisanat passera par l’intégration systématique du genre dans les politiques publiques. Quotas de femmes dans les centres techniques, simplification des titres fonciers pour les coopératives et clauses sociales dans les marchés publics pourraient accroître l’impact socio-économique recherché.
À court terme, l’Observatoire préconise un fonds de garantie dédié aux entrepreneures du bois et la création d’un label “Bois des femmes du Congo”, inspiré de la filière cacao ivoirienne. La visibilité internationale ainsi obtenue favoriserait l’accès aux plateformes d’e-commerce et aux marchés du tourisme responsable.
Parallèlement, un partenariat avec l’université Marien-Ngouabi prévoit un module de marketing digital destiné aux artisanes, financé par l’UNESCO. L’objectif est de maîtriser la photographie produit et la vente en ligne, compétences décisives pour toucher une clientèle internationale sans intermédiaire.
En s’appuyant sur le SAMEB pour promouvoir l’innovation et l’inclusion, le Congo brazzaville consolide une voie de développement où la valeur ajoutée locale rime avec autonomisation féminine. L’équilibre entre préservation forestière et essor économique reste délicat, mais les signaux convergent vers une dynamique porteuse d’espoir.