Un bureau stratégique à Shanghai
L’ouverture officielle, à Shanghai, du premier bureau international de la Chambre africaine de l’énergie (AEC) marque une accélération inédite de la coopération sino-africaine. L’organisme entend rapprocher capitaux, technologies et décideurs afin de transformer le mix énergétique du continent.
Ce déploiement matérialise la vision, portée depuis Brazzaville, d’un réseau énergétique où l’Afrique n’est plus simple récipiendaire mais moteur. Selon l’AEC, la capitale économique chinoise deviendra un guichet unique pour fédérer gouvernements, entreprises et centres de recherche autour d’objectifs partagés.
À la tête du bureau, la docteure Bieni Da, ancienne chercheuse en politiques publiques, détient un carnet d’adresses rare dans les sphères financières et institutionnelles chinoises. Sa mission : convertir cette proximité en investissements à long terme couvrant exploration, transport, distribution et formation.
Mobiliser des capitaux pour l’énergie africaine
Le besoin est colossal. Les analystes estiment que le déficit annuel de financement énergétique africain oscille entre 31 et 50 milliards de dollars. Derrière ces chiffres se cache une réalité : trop d’entreprises locales disposent de gisements mais manquent de moyens pour les valoriser.
La Chine, forte de son système bancaire diversifié et de son expérience industrielle, apparaît comme une place de choix pour lever ces fonds. Les banques de développement et les conglomérats d’ingénierie y affichent un appétit croissant pour des actifs énergétiques à rendement sécurisé.
Projets chinois emblématiques en Afrique centrale
Exemple concret : la société chinoise Wing Wah pilote l’extension du champ pétrolier Bango Kayo en République du Congo. D’un coût estimé à deux milliards de dollars, le projet prévoit trois trains de traitement du gaz auparavant torché, avec montée en puissance dès 2025.
Le groupe public CNOOC explore, lui, de nouveaux blocs en Angola et participe à l’oléoduc d’Afrique de l’Est reliant Tilenga et Kingfisher au port de Tanga. Ces démarches illustrent l’élargissement d’un portefeuille qui englobe déjà le Mozambique et la Tanzanie gazière.
La China National Petroleum Corporation possède, pour sa part, une participation dans le méga-projet Coral South FLNG, entré en production en 2022, et vient de conclure un accord d’approvisionnement de 400 millions de dollars avec le Niger. Le flux d’annonces ne montre aucun ralentissement.
Vers une chaîne de valeur intégrée
« Nous souhaitons un engagement chinois plus large sur toute la chaîne, de l’amont à la distribution, sans oublier la fabrication locale », insiste NJ Ayuk, président exécutif de l’AEC. Selon lui, l’expertise chinoise en intelligence artificielle et véhicules électriques complète la transition voulue par l’Afrique.
Pour maintenir l’élan, plusieurs forums d’affaires se tiendront chaque semestre dans la métropole côtière. L’objectif est de proposer un cadre régulier où ministres africains, banquiers chinois et opérateurs privés puissent comparer projets, calibrer les risques et signer, le cas échéant, des protocoles engageants.
Quels bénéfices pour le Congo-Brazzaville ?
À Brazzaville, de hauts cadres du ministère des Hydrocarbures saluent déjà l’annonce, soulignant que l’intégration de capitaux chinois devrait consolider le programme national « Gaz pour tous ». Les techniciens espèrent notamment accélérer l’électrification rurale, enjeu central pour l’industrialisation et l’amélioration des conditions de vie.
Pour les femmes congolaises, l’accès fiable à l’énergie rime avec sécurité domestique, autonomie économique et possibilités entrepreneuriales. « Sans lumière, impossible de prolonger l’activité après 18 heures », rappelle Thérèse Mboka, artisane à Dolisie, qui espère que les nouvelles connexions ouvriront son atelier de couture au marché en ligne.
Inclusion et genre : conditions du succès
Le sociologue Auguste Massamba note toutefois qu’un afflux de projets ne garantit pas, à lui seul, des retombées inclusives. « La clé réside dans le contenu local : formation, quotas pour les PME dirigées par des femmes et transparence fiscale », explique-t-il lors d’un webinaire réuni par l’université Marien-Ngouabi.
L’Observatoire national congolais des violences faites aux femmes suivra donc la mise en œuvre des contrats. Un groupe de travail vérifiera l’accès des travailleuses aux chantiers, l’application des normes de sécurité et la présence de mécanismes de plainte en cas de harcèlement.
Sur le plan macro-économique, l’Agence internationale de l’énergie estime qu’un point de taux d’accès supplémentaire au réseau peut créer 30 000 emplois formels. Investir dans la distribution urbaine et rurale pourrait donc, à terme, réduire la vulnérabilité financière qui alimente certaines violences basées sur le genre.
Suivi citoyen et perspectives
Ni Pékin ni Brazzaville n’ont intérêt à voir ces promesses rester théoriques. La continuité de l’engagement sera jugée sur l’exécution : délais respectés, transfert de compétences et partage juste des recettes. Les premiers audits citoyens sont attendus dès l’an prochain.
En plaçant un pied à Shanghai, l’AEC confirme que l’Afrique est prête à négocier d’égal à égal. Si les programmes annoncés se concrétisent, le Congo-Brazzaville pourrait non seulement accroître ses recettes énergétiques, mais aussi rapprocher des milliers de foyers, surtout féminins, d’un avenir électrifié.
La prochaine étape consistera à mesurer l’impact réel de ces flux de capitaux dans les quartiers populaires de Pointe-Noire et de Brazzaville. Des indicateurs, comme le prix moyen du kilowatt-heure ou le taux d’emploi féminin dans les sociétés sous-traitantes, seront publiés chaque semestre.