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Une crise de confiance dans la sphère religieuse

La diffusion, en août 2025, d’enregistrements où un archevêque emploie des termes tribalistes envers un confrère a créé un électrochoc national. Sur les téléphones, la voix hiérarchique résonne, brisant l’image d’une institution perçue comme refuge moral et ciment communautaire.

Les commentaires de la Conférence épiscopale, invitant à un pardon collectif, n’ont pas suffi à juguler la déception. Fidèles, théologiens et observateurs soulignent la gravité du discours discriminant, estimant qu’il sape la parole de l’Église sur le vivre-ensemble que prône la Constitution congolaise.

Impact sur la cohésion sociale et le genre

Au Congo, le lien entre clergé et société reste fort, surtout pour les femmes qui animent chorales, catéchèses et œuvres caritatives. Les paroles d’exclusion réactivent cependant des souvenirs douloureux de divisions ethniques, fragilisant les réseaux de solidarité indispensables à l’autonomisation économique féminine.

Marie-Claire Mboumba, sociologue à l’Université Marien-Ngouabi, rappelle que « la violence symbolique prépare souvent la violence réelle ». Selon elle, le mépris exprimé par une figure spirituelle peut légitimer des discriminations quotidiennes, notamment dans l’accès des femmes aux terres, aux crédits ou aux postes.

Réponses institutionnelles et attentes citoyennes

Face à la colère, plusieurs paroisses ont lancé des veillées de prière et de dialogue. Des laïcs demandent une commission indépendante, incluant des femmes juristes, pour examiner les faits et proposer des sanctions canoniques proportionnées, à l’image des bonnes pratiques observées dans d’autres conférences africaines.

De son côté, la plateforme chrétienne Femmes & Foi estime qu’une lettre d’excuses personnelles du prélat reste incontournable. « Reconnaître le tort est la première étape d’une réconciliation durable », insiste la présidente Olga Nsona, qui plaide pour une médiation respectueuse des droits de chaque partie.

La Commission nationale des droits de l’homme, saisie à titre consultatif, souligne la nécessité de préserver la liberté religieuse tout en rappelant que la parole publique n’est pas hors droit. Les juristes évoquent l’article 77 du Code pénal, qui réprime l’incitation à la haine ethnique.

Voix des femmes: guérir sans cliver

Dans le quartier Talangaï, des mamans catholiques préparent, chaque mercredi, une soupe populaire pour les déplacées des inondations. « Nos casseroles n’ont pas d’ethnie », plaisante Bernadette, cheffe du groupe, pour rappeler que la diaconie féminine se fonde sur la dignité, pas sur la lignée.

Les responsables de cette cellule proposent une retraite spirituelle mixte, animée par des théologiennes africaines, afin d’aborder la question du langage inclusif. L’idée séduit des jeunes, convaincus que l’Église, en renforçant la participation féminine, peut redevenir un espace crédible de cohésion nationale.

Psychologues et catéchistes insistent aussi sur la réparation des victimes. Pour plusieurs femmes de la communauté visée, l’enregistrement a ravivé des souvenirs d’humiliations scolaires. Des ateliers de parole, soutenus par Caritas, ont été ouverts pour permettre l’expression des ressentis dans un cadre confidentiel et sécurisant.

Vers une pastorale inclusive et respectueuse

Sur le plan théologique, des biblistes rappellent que la notion de communion ecclésiale implique la reconnaissance de toutes les cultures. L’épître aux Galates, souvent citée, dépasse les clivages « Juifs ou Grecs », invitant l’Église congolaise à relire son propre patrimoine d’accueil.

Dans cette optique, l’Institut pastoral de Makoua prévoit un module obligatoire sur la communication non violente pour les futurs prêtres. L’objectif, précise le recteur, est d’armer le clergé contre les stéréotypes, de la même manière que le séminaire enseigne déjà l’éthique numérique et la gestion comptable.

Les observateurs voient là un signal positif compatible avec les orientations publiques de promotion de la paix. Le ministère de la Promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement rappelle régulièrement que la cohésion commence par le respect mutuel dans les discours.

Reste la question de la temporalité. Combien de temps faudra-t-il pour qu’un acte concret soit posé? Pour la philosophe Justine Itoua, chaque jour écoulé sans responsabilité individuelle accroît le doute. Elle préconise un calendrier clair afin de refaire converger rites liturgiques et exigences citoyennes.

En attendant, des cellules d’écoute restent opérationnelles dans plusieurs diocèses. Les prêtres formés à l’accompagnement psycho-spirituel signalent une fréquentation accrue de femmes, souvent médiatrices naturelles dans les familles. Leur engagement offre un contre-exemple tangible à la rhétorique de division et consolide la résilience communautaire.

Si l’affaire souligne les failles humaines au sommet, elle révèle aussi la vigilance de la base. En replacant la dignité des personnes, et notamment des femmes, au centre du débat, l’Église congolaise dispose d’une occasion historique de convertir la crise en laboratoire de fraternité renouvelée.

Suivant la tradition synodale, une assemblée diocésaine extraordinaire est envisagée pour décembre. Des représentants de mouvements féminins y siégeront avec voix délibérative. Leur présence symbolisera la conviction que les questions de langage, comme celles de gouvernance, engagent l’ensemble du peuple de Dieu, sans hiérarchie de genre.

Au-delà de l’émotion, ce moment rappelle que chaque institution se grandit en rendant compte. Transparence, éducation au respect et participation féminine apparaissent comme les piliers d’un renouveau ecclésial bénéfique à toute la société congolaise.